Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/714

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un philosophe moderne cite dans une récente solennité littéraire, on finira peut-être par sentir que se vanter de n’en pas avoir, c’est tirer vanité de ne pas savoir ce qu’on dit quand on parle, ni ce qu’on fait quand on agit[1]. Quant à la Banque elle-même, elle n’a pas cessé un instant d’être une institution inébranlable, dont les ressources sont très grandes. Si nous avons vu quelques personnes essayer de répandre des inquiétudes sur son compte, c’est en vérité uniquement parce qu’il est des gens qui, par un singulier goût, ont choisi pour mission de décrier précisément ce qui est entouré au plus juste titre de la confiance universelle.

Il faut reconnaître que la Banque est enchaînée par des statuts très étroits, et que la loi même qui lui confère son privilège lui laisse fort peu de latitude. Cependant il est hors de doute que, si une loi eût été présentée, par exemple, pour autoriser la Banque à émettre des billets de 250 et de 100 francs, elle eût été votée d’urgence, sans contestation, à peu près comme la loi relative à l’entrée des céréales en franchise. Cette simple disposition aurait suffi pour dissiper tous les nuages. Si pourtant une loi est proposée, il faut faire des vœux pour qu’elle ne se borne pas là. Sans songer à mal, sans même l’avoir voulu, la législation jusqu’à ce jour a entouré la Banque d’entraves. Il lui est impossible de faire le moindre mouvement sans avoir obtenu la permission préalable du législateur ; il serait bon de lui donner les pouvoirs dont elle ne saurait se passer. Il faudrait que, sans recourir sans cesse à la loi, sous la seule réserve de l’approbation du gouvernement, elle eût la faculté de prendre pour ses billets telle coupure qui lui conviendrait jusqu’au minimum de 100 francs ; de même pour l’émission de titres de crédit portant intérêt, pour la restauration de l’ancien nombre d’actions, pour la négociation du portefeuille. D’après ce qui s’est fait en d’autres temps, il n’est pas douteux que le ministre des finances soit déjà autorisé assez explicitement à se concerter avec la Banque pour l’émission des bons du trésor, comme chez nos voisins le chancelier de l’Échiquier avec la banque d’Angleterre. On doit croire même que, si la Banque eût été moins gênée par ses statuts et par la loi, elle eût fait beaucoup mieux. Avec plus de liberté, elle aurait pris un autre essor, et, au milieu de tous les expédiens possibles, elle n’en eût point choisi un qui porte préjudice au plus digne de sollicitude, au plus compromis de tous les intérêts, celui du travail.


MICHEL CHEVALIER.

  1. Pensée de M. Royer-Collard citée par M. de Rémusat dans son discours de réception à l’Académie française.