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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/722

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capitaine Nicolas avait donné ses ordres, et son pilau cuisait sur l’unique fourneau de la cuisine ; notre tour ne devait arriver que plus tard.

Je cherchais cependant où pouvait être cette fameuse chambre du capitaine qui nous avait été promise, et je chargeai l’Arménien de s’en informer auprès de son ami, — lequel ne paraissait nullement l’avoir reconnu jusque-là. Le capitaine se leva froidement et nous conduisit vers une espèce de soute située sous le tillac de l’avant où l’on ne pouvait entrer que plié en deux et dont les parois étaient littéralement couvertes de ces grillons rouges longs comme le doigt, que l’on appelle caravaces, et qu’avait attirés sans doute un chargement précédent de sucre ou de cassonade. Je reculai avec effroi et fis mine de me fâcher. « C’est là ma chambre, me fit dire le capitaine ; je ne vous conseille pas de l’habiter, à moins qu’il ne vienne à pleuvoir ; mais je vais vous faire voir un endroit beaucoup plus frais et beaucoup plus convenable. »

Alors il me conduisit près de la grande chaloupe maintenue par des cordes entre le mât et l’avant, et me fit regarder dans l’intérieur « Voilà, dit-il, où vous serez très bien couché ; vous avez des matelas de coton que vous étendrez d’un bout à l’autre, et je vais faire disposer là-dessus des toiles qui formeront une tente ; maintenant vous voilà logé commodément et grandement, n’est-ce pas ? »

J’aurais eu mauvaise grace à n’en pas convenir ; le bâtiment étant donné, c’était assurément le local le plus agréable, — par une température d’Afrique, — et le plus isolé qu’on y pût choisir.


IV. – ANDARE SUL MARE.

Nous partons, nous voyons s’amincir, descendre et disparaître enfin sous le bleu niveau de la mer cette frange de sable qui encadre si tristement les splendeurs de la vieille Égypte ; le flamboiement poudreux du désert reste seul à l’horizon ; les oiseaux du Nil nous accompagnent quelque temps, puis nous quittent l’un après l’autre, comme pour aller rejoindre le soleil qui descend vers Alexandrie. Cependant un astre éclatant gravit peu à peu l’arc du ciel et jette sur les eaux des reflets enflammés. C’est l’étoile du soir, c’est Astarté, l’antique déesse de Syrie ; elle brille d’un éclat incomparable sur ces mers sacrées qui la reconnaissent toujours. — Sois-nous propice, ô divinité ! qui n’as pas la teinte blafarde de la lune, mais qui scintilles dans ton éloignement et verses des rayons dorés sur le monde comme un soleil de la nuit !

Après tout, une fois la première impression surmontée, l’aspect intérieur de la Santa-Barbara ne manquait pas de pittoresque. Dès le lendemain, nous nous étions acclimatés parfaitement, et les heures coulaient pour nous comme pour l’équipage dans la plus parfaite indifférence