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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/788

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depuis trente ans la politique des grandes puissances de l’Europe ; c’est là que se préparent et se dénoueront les principaux événemens de notre époque ; c’est là, par conséquent, qu’il importe aux grandes nations d’être fortes. Aucune d’entre elles n’occupe sur la Méditerranée une position supérieure à la nôtre. Nous avons beaucoup fait pour y consolider les avantages de notre pavillon ; il reste à faire beaucoup encore, et la partie de ces côtes qui réclame nos soins les plus assidus est évidemment celle sur laquelle sont assises les villes de Marseille et de Toulon. Là est, en effet, le cœur de notre établissement sur la Méditerranée : les rivages qui s’étendent du Rhône aux Pyrénées, ceux de la Corse et de l’Algérie n’en sont, à certains égards, que les accessoires et le complément ; ils tirent leur principale valeur de leurs relations avec les deux métropoles de notre commerce et de nos armes, et se fortifient de tout ce qui ajoute à la puissance de celles-ci.

Remplissant, il y a quelques mois, une mission relative à l’un des objets les plus vulgaires du service de la marine, j’ai parcouru la côte de Provence, et j’ai cherché à reconnaître ce que l’industrie humaine y peut ajouter aux bienfaits de la nature : j’essaie aujourd’hui de l’indiquer, heureux si ces observations imparfaites inspirent à de plus habiles l’envie de considérer de près un sujet si plein d’intérêt pour notre pays !

La marine militaire et la marine marchande, qui, dans leur étroite alliance, protégent ou développent les intérêts auxquels elles sont en apparence le plus étrangères, réclament en retour le concours de tous les arts et de toutes les industries ; elles tiennent à tout par les besoins qu’elles ressentent aussi bien que par les bienfaits qu’elles dispensent. Parmi les élémens les plus essentiels de leur puissance, il faut assurément ranger le bon marché des provisions de bord et l’abondance des objets d’exportation et d’échange ; l’un et l’autre se rencontrent dans le contact d’une agriculture florissante. Nous sommes, sous ce rapport, moins bien traités que nos voisins. Tandis que les ports concurrens de Gênes, de Livourne, de Naples, sont appuyés sur les territoires féconds du Piémont, de la Toscane, de la Campanie, ceux de Marseille et de Toulon n’ont derrière eux qu’une région montueuse et stérile. Le développement de la production agricole en Provence est donc un objet de l’intérêt le plus direct pour notre marine de la Méditerranée. Si nos ressources sont, à cet égard, fort au-dessous de nos besoins, ce n’est pas que la culture provençale soit mauvaise : elle est, au contraire, en général bien appropriée à la nature du pays ; mais l’espace lui manque, elle est à l’étroit entre les rochers des montagnes et les torrens des vallées : Heureusement le sol arable de la Provence est susceptible de recevoir une très grande extension par le dessèchement des marais et l’organisation méthodique d’un vaste système d’atterrissemens ; d’un