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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/880

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croyons plus encore, s’il faut le dire, à l’influence du monopole d’une part, de la liberté de l’autre ; et ce qui prouve la réalité de cette influence, c’est que, parmi les producteurs français, ceux qui traitent le fer à la houille aux mêmes conditions qu’on le fait à l’étranger, et ils sont, comme on vient de le voir, en grand nombre, n’ont pas une supériorité bien décidée sur ceux qui le travaillent au bois. La seconde circonstance sur laquelle cette erreur se fonde, c’est que, lorsqu’on parle de l’industrie du fer en France, c’est presque toujours la Champagne seule qu’on a en vue. On ne prend pas garde que les usines de cette contrée sont vraiment placées dans des conditions exceptionnelles, en ce que le nombre même de ces usines et l’extrême abondance du minerai de fer dans toute l’étendue du groupe y rendent plus particulièrement qu’ailleurs la production du bois insuffisante pour les besoins.

Entrons au cœur de la question, et considérons franchement, sans prévention comme sans détour, la vérité des faits.

Le charbon de bois est aujourd’hui, surtout en France où le prix s’en est considérablement élevé depuis trente ans, beaucoup plus cher que la houille à poids égal ; mais d’abord le prix actuel est-il le prix normal, et ne serait-il pas susceptible de baisser sous un régime de liberté ? Il baisserait sans aucun doute, et d’une manière sensible. Hâtons-nous de dire toutefois que ce résultat ne serait pas obtenu par le seul effet de la réduction des droits sur le fer. On a trop dit et répété que le renchérissement des bois en France était une conséquence certaine, bien qu’éloignée, du monopole des maîtres de forges. Quoique cette assertion, ordinairement émise par ceux qui défendent nos principes, soit en somme très favorable à notre cause, nous ne l’acceptons pas, parce qu’elle ne nous parait pas juste et que nous ne croyons pas devoir défendre une bonne cause par de mauvaises raisons. Il était, du reste, facile de s’y tromper, car les deux faits coïncident par leur date, puisque c’est en effet depuis que le monopole du fer existe que le prix du bois s’est élevé. Il n’en est pas moins vrai qu’il faut chercher ailleurs la cause de ce renchérissement. Les bois ont suivi en France, depuis trente ans, le mouvement de hausse qui a affecté d’une manière générale tous les produits du sol, ni plus ni moins, excepté en Champagne, où ils sont arrivés souvent, par suite de la concurrence trop ardente des maîtres de forges, à des prix exceptionnels. Ce qui le prouve, c’est que le produit des plantations, dans les localités où le bois est employé à la fabrication du fer, n’excède pas celui des autres cultures, et que les propriétaires n’y ont aucun avantage à posséder des plantations plutôt que des terres à labour. Ces prix ne sont pas naturels ; ils sont exagérés, forcés ; mais ce n’est pas le monopole de l’industrie du fer qui en est cause : c’est un autre monopole, celui qu’on a créé, vers le même temps, au profit des propriétaires du sol. On voit qu’ici le sujet