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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/905

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une concurrence qu’elle redoute. Aussi s’oppose-t-elle sous main à toute tentative pour percer l’isthme de Suez, comme elle s’oppose, dit-on, pour une raison semblable, à tout percement de l’isthme de Panama.

Si les Anglais ne veulent point du canal qui ouvrirait à l’Europe méditerranéenne la mer Rouge et la mer des Indes, ils s’arrangeraient d’un chemin de fer qui réunirait le Caire à Suez. Ce chemin ne pourrait jamais être une route de commerce, mais il serait commode pour les voyageurs, qui prennent la malle de l’Inde, et peut-être pour des transports de troupes. Selon M. Linant, il coûterait 13 millions, et le canal, œuvre à immortaliser un règne, n’en coûterait que 9. Joignez à cela la difficulté de protéger les rails contre le sable du désert et d’obtenir de la paresse arabe la surveillance nécessaire à l’entretien de la voie ; tout serait donc à gagner du côté du canal ; cependant, si quelque chose se fait, ce sera le chemin de fer[1].

Au premier rang des Français qui ont rendu d’importans services au pacha et à l’Égypte, est le docteur Clot, connu en Europe sous le nom de Clot-Bey. Clot-Bey a établi dans l’armée et au Caire l’organisation sanitaire de l’Europe, il a amélioré le sort des aliénés et fondé une école d’accouchemens ; il a montré un grand courage lors de la peste de 1834, dans laquelle d’autres Français firent preuve d’un dévouement qui coûta la vie à plusieurs, parmi lesquels c’est un devoir de citer M. Rigaud et Dussap, ainsi que deux jeunes saint-simoniens[2]. Bon médecin, excellent opérateur, le regard fin, la parole facile, la voix caressante, Clot-Bey a su gagner la confiance du pacha et charme les Français qui visitent le Caire par l’obligeance la plus aimable et la plus empressée. Sa conversation animée, son salon, où un Français aime à trouver réunis plusieurs autres compatriotes distingués, sa belle collection d’antiquités égyptiennes qu’il a mise à ma disposition sans aucune réserve, m’ont laissé le plus reconnaissant souvenir.

Dans cette collection précieuse se trouvent des échantillons rassemblés avec goût : instrumens, ustensiles, petits meubles, ornemens de tout genre, dont se servaient les Égyptiens et les Égyptiennes. Visiter la collection de Clot-Bey et celle du docteur Abbot, dont je parlerai tout à l’heure, après avoir vu les pyramides et les tombeaux qui les environnent, c’est comme se promener dans les studij de Naples, après avoir fait une course à Pompéi et à Herculanum. Je ne puis donner un

  1. J’apprends qu’une souscription a été ouverte à Trieste pour faire les frais du canal, entreprise à laquelle cette ville est si intéressée.
  2. Rapport du docteur Prus sur la peste, pièces et documens, 343.