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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/954

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indépendante et amie une alliée nécessaire, un point d’appui indispensable à sa sûreté, ne voulant rien de plus, mais aussi rien de moins.

Sir Robert Peel a dit dernièrement au sein de la chambre des communes qu’à ses yeux les discussions qui étaient intervenues entre l’Angleterre et la France étaient une suite nécessaire de ce qui s’était passé en Espagne. Ces paroles, qui ont produit une sensation assez vive, n’ont pourtant rien qui doive surprendre, si l’on veut bien y réfléchir. Comment, pour sir Robert Peel, l’Espagne ne serait-elle pas un sujet important et nécessaire de discussion entre la France et l’Angleterre, qui, depuis un siècle et demi, luttent sur ce terrain, soit les armes à la main, soit par les voies diplomatiques ? Un instant, en 1834, on a pu croire qu’un accord sincère allait succéder à cette rivalité. Que la durée de cet accord eût été chose heureuse pour la tranquillité de l’Europe ! Sir Robert Peel et lord Aberdeen le comprirent : il semblait que toutes les conséquences du traité de la quadruple alliance allaient être loyalement Déduites, quand par le fait de lord Palmerston toutes ces espérances ont avorté. Si nous parlons ainsi, ce n’est pas pour la stérile satisfaction d’accuser cet homme d’état, mais nous déplorons profondément les changemens qui ont altéré la situation sur ce point essentiel. Avant la rentrée de lord Palmerston au pouvoir, la question d’Espagne était pour la France et l’Angleterre une question commune, de laquelle les puissances du continent ne se mêlaient plus ; elles semblaient presque avoir renoncé à s’en occuper. Sous la tutélaire influence des deux premiers gouvernemens constitutionnels de l’Europe, la jeune monarchie de la reine Isabelle commençait de s’affermir ; aujourd’hui tout est ébranlé. L’ordre de succession au trône d’Espagne redevient un problème à la solution duquel le gouvernement anglais convie les autres cabinets. Comme après l’acceptation du testament de Charles II par Louis XIV, la France est seule dans la question d’Espagne contre le reste de l’Europe. Tel est le changement que nous regrettons amèrement, non que nous apercevions au bout de ces difficultés une guerre inévitable. La France aujourd’hui n’a pas à accomplir la tâche que s’était donnée Louis XIV ; elle n’a pas à implanter en Espagne une dynastie nouvelle ; elle n’a qu’à protéger par son alliance les droits des Bourbons espagnols, droits consacrés par le temps et par les traités. Seulement cette tâche plus modeste est devenue néanmoins beaucoup plus difficile par l’altération si sensible du bon accord entre l’Angleterre et nous. La guerre civile vient de jeter en Espagne de nouvelles et tristes lueurs : un prétendant s’agite ; il se vante d’avoir sur le continent de puissans appuis, et, en Angleterre, la connivence même du gouvernement. On annonce le retour en France de Marie-Christine : on parle de divisions qui auraient éclaté entre la reine Isabelle et son époux, don François d’Assis. Il y a là assurément d’assez sérieux sujets de préoccupations. Toutefois nous sommes loin de perdre l’espoir de voir le parti modéré puiser dans la gravité des circonstances de nouvelles forces pour y faire face. C’est lui qui, en présence des tentatives de guerre civile, a la responsabilité des destinées de l’Espagne, car il est au gouvernement. Sans doute, il ne se désarmera pas de gaieté de cœur par des rivalités intestines et misérables. Il y a dans le parti modéré trois fractions distinctes : autour de M. Mon se groupent une soixantaine de députés qui reconnaissent en lui le représentant le plus éminent de leurs opinions. A côté des nombreux partisans de M. Mon, il faut placer