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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/986

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Dans la danse, moi qui parle, j’ai été aussi loin que Raumer dans l’art d’écrire. Écrit-il mieux que je danse, moi pauvre ours ?

Hommes, pourquoi donc valez-vous mieux que nous ? Vous portez haut la tête, il est vrai, mais il rampe dans ces têtes de bien basses pensées.

Hommes, valez-vous mieux que nous, parce que votre peau est unie et lisse ? Vous partagez cet avantage avec les serpens.

Hommes, race de serpens bipèdes, je comprends pourquoi vous portez des vêtemens. Vous cachez sous la laine empruntée votre nudité de vipères.

Mes enfans, soyez en garde contre ces avortons sans poils ! Mes filles, ne vous fiez à aucun de ces monstres qui portent pantalons !

Je ne divulguerai pas davantage combien le vieil ours, dans sa rage égalitaire, trouva d’argumens insolens contre le genre humain.

Car, à la fin, je suis homme aussi moi-même, et je ne veux plus répéter ces sottises qui finissent par blesser.

Oui, je suis homme, et je m’estime quelque chose de mieux que les autres bêtes. Jamais je ne trahirai les intérêts de ma naissance,

Et je défendrai toujours bravement contre toutes les prétentions bestiales le drapeau de l’humanité et les imprescriptibles droits de l’homme.


VI.

Pourtant il est peut-être utile aux hommes, qui forment la classe élevée de la société animale, de savoir ce que l’on dit et pense au-dessous d’eux.

Oui, sous nos pieds, dans les couches souterraines, dans les antres ténébreux des classes inférieures et fauves, couvent la misère, l’orgueil et la haine.

Ce qui a été établi par l’histoire naturelle et consacré depuis des siècles par les us et coutumes est nié audacieusement et le museau levé.

Le vieillard grogne à l’oreille de l’adolescent la funeste doctrine qui menace d’anéantir sur terre la civilisation et l’humanité. -

Enfans, — murmure Atta Troll en se roulant sur sa couche sans tapis, — enfans, l’avenir est à nous !

Si tous les ours, si tous les animaux pensaient comme moi, avec nos forces réunies nous déferions nos tyrans.

Que le sanglier s’unisse au cheval, que l’éléphant enlace fraternellement sa trompe à la corne du vaillant taureau ;

Que les renards et les loups de toutes couleurs, que les singes et les béliers, que le lièvre lui-même, réunissent quelque temps leurs efforts, et la victoire est à nous !