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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/99

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souverain de leur pays, prince ou nation ! La belle raison surtout pour accabler d’injures quiconque n’a pas le même cœur et ne partage point le même amour !

C’est là mon dernier grief contre M. de Courson. Ses peccadilles d’érudition sont en vérité si nombreuses, que je n’ai point de place pour les relever ici ; ses méthodes et ses théories peuvent passer pour de gros péchés contre la science et peut-être bien contre le sens commun tout cela se pardonne ; ce qui ne se pardonne pas, c’est le dénigrement systématique des plus honnêtes et des meilleures intelligences de notre temps, c’est cette âcreté d’une critique envieuse et vaniteuse qui va toujours (ce dont Dieu me garde !) chercher la personne dans l’auteur et blesser l’homme au lieu d’attaquer l’idée. Je ne prends qu’un exemple, j’en pourrais prendre mille ; je pourrais montrer M. Thierry accusé d’emprunter aux protestans des calomnies toutes faites, ce fin et charmant esprit de M. Michelet amèrement incriminé, tant d’autres, plus obscurs, traités en masse d’ignorans et d’impies. Je m’en tiens, pour justifier l’apparente sévérité de mes reproches, à la dureté toute particulière des procédés de M. de Courson envers M. de Rémusat, qui ne se savait pas, je crois, d’ennemis si acharnés. Qu’on lise seulement tout ce chapitre que M. de Courson a consacré, l’on ne sait trop pourquoi à la vie d’Abélard entre deux dissertations sur la féodalité : on verra là ce qu’il faut penser de l’ex-ministre philosophe, « de sa haineuse partialité anti-catholique, » de la concurrence qu’il fait à M. Eugène Sue pour lui arracher les lecteurs du Juif Errant. Mais aussi que n’avait-on le bon goût de parler d’Abélard à la manière du lauréat de l’Académie ? N’y avait-il pas dans la destinée du malheureux amant d’Héloïse des endroits intimes qu’il était beau de s’exercer à rendre ? n’était-ce pas un joli trait d’expliquer comment « l’orgueil lui tenait lieu de tout ce qui lui avait été ravi…[1] ? » C’est avec ces délicatesses qu’on écrit l’histoire. Et la charmante apothéose que M. de Rémusat a manquée faute d’un peu de religion ! Pourquoi ne pas finir comme M. de Courson, en nous entr’ouvrant le ciel ? Pourquoi ne pas s’écrier avec lui : « Je crois fermement que le fils du pieux Béranger, ayant passé de Platon au Christ, a mérité d’être recueilli dans le sein de son divin maître, lequel, en sa miséricorde infinie, a rendu pour jamais à son philosophe celle qu’il avait tant aimée. » Voilà de la tendresse bien placée ; M. de Courson l’a dit quelque part, il n’y a que les libéraux qui se vantent d’être « des barres de fer. »

Je n’ajoute plus qu’un mot : la conclusion de ce livre si favorisé, — non point, on l’a vu, pour son mérite intrinsèque, mais pour lequel ? je ne sais, — la conclusion directe et hautement proclamée, c’est un défi

  1. Les points sont dans le texte de M. de Courson..