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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/1152

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maintenant en démembrant le Mexique. C’est M. Calhoun qui l’a dit, et il le sait mieux que personne, puisqu’il était secrétaire d’état chargé des affaires étrangères alors que ce programme d’une grande campagne en faveur de l’extension de l’esclavage a été conçu. Le projet est de lui, et c’est lui-même qui, en sa qualité de ministre dirigeant, a, par l’adjonction du Texas, donné avec éclat le signal de l’exécution. Il faudrait fermer les yeux à la lumière pour ne pas apercevoir ce que ces actes hardiment prémédités, plus résolûment accomplis, peuvent introduire de changemens dans la politique générale.

La Gazette piémontaise a publié, le 4 juin, le texte officiel d’une convention passée à Lugano, le 16 janvier dernier, entre le roi de Sardaigne et les cantons de Saint-Gall, Grisons et Tessin, pour la construction et l’exploitation du chemin de fer de Locarno à Rorschach et Wallenstadt, destiné à unir le lac Majeur au lac de Constance et traversant les Alpes près du col de Lukmanier. L’entreprise appartient à une compagnie piémontaise qui a obtenu en 1845, des trois cantons dont la route parcourra le territoire, une concession de soixante-quinze ans, des exemptions et des privilèges fort étendus. A son tour, le gouvernement sarde, justement préoccupé de l’importance d’une ligne qui, en se rattachant au chemin de fer de Gènes à Novarre prolongé sur le lac Majeur, mettrait en communication, à travers ses états, la Suisse, la Bavière, le Wurtemberg, etc., avec la Méditerranée, s’est montré disposé à appuyer le projet de tout son pouvoir. Il a stipulé en son propre nom de nouveaux avantages pour la compagnie, et, par l’art. 7 de la convention, il s’engage « à venir en aide aux concessionnaires actuels ou à tous autres qui pourront leur être substitués tant par son influence que par des moyens pécuniaires. » -Par l’art. 6, « la construction du chemin de fer de Gènes au lac Majeur est garantie avec promesse de prolongation jusqu’à la frontière suisse. » Et à dater du jour où cette ligne sera en plein exercice, le gouvernement sarde mettra en vigueur les dispositions les plus favorables arrêtées dès aujourd’hui et longuement énumérées dans les art. 8 et 9 : exemption de tout péage et droit quelconque, autre que le prix de transport, sur le transit des voyageurs et des marchandises ; diminution des frais d’entrepôt de douane ; réduction des tarifs sur l’entrée des produits agricoles des trois cantons et libre exportation en Suisse du blé, du riz, du vin, de l’eau-de-vie et de toutes les denrées du Piémont. De plus, les deux gouvernemens accorderont réciproquement le passage gratuit de l’un dans l’autre état à tous les ouvriers et artisans, et, pour les autres habitans, une réduction de moitié sur le visa des passeports.

Telles sont les clauses principales de ce traité qui ne peut manquer d’être désagréable à l’Autriche ; mais le Piémont n’a pas à s’en inquiéter. Le gouvernement autrichien refuse obstinément de pousser de Milan à la frontière sarde son grand chemin de fer de la Lombardie. On pourra bien s’en passer. Si les communications restent fermées entre Milan et Gènes, le commerce de la mer Noire et de la Méditerranée affluera de ce dernier port au-delà des Alpes. Un intérêt commun unit contre le commerce de l’Adriatique la Suisse et le Piémont. Dans les négociations qui ont amené la signature du traité du 16 janvier 1847, le gouvernement sarde en a su habilement profiter pour entraîner les trois cantons dans sa sphère d’action. Au moyen du chemin projeté et en vertu des articles de la convention sur la libre exportation des céréales, il pourra approvisionner les marchés de la Suisse et ceux d’une partie de l’Allemagne et faire à la navigation de