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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/120

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Qui vous apprit à fuir les futures colères,
A tromper l’œil du maître, ô race de vipères ?
Malheur à vous ! Armés de longues oraisons,
Des veuves, des enfans vous mangez les maisons ;
Et, selon le tribut que la peur vous apporte,
Vous nous ouvrez du ciel ou nous fermez la porte,
Comme de votre bien trafiquant ici-bas
Du royaume d’amour où vous n’entrerez pas.
Malheur à vous ! Quand Dieu daigne envoyer un sage,
De l’avenir au peuple apportant le message,
Votre haine le suit et le désigne aux rois
Qui le font flageller et clouer à la croix.
Maintenant s’enquiert-on de vos œuvres, vous dites
Oh ! nous sommes les fils des saints et des lévites !
Et Dieu dit : Ces gentils, ces hommes sans aïeux,
J’en fais mes ouvriers, mes fils les plus pieux.
Cessez donc de parler des vertus de vos pères,
Montrez à votre tour des œuvres salutaires ;
Car la hache est à l’arbre, et va dans un moment
Jeter au feu tout bois infertile et gourmand. »

Et le peuple inquiet l’interrogeait : « O maître,
Que faire donc ? » Et Jean : « Voici ce qui doit être ;
Quiconque a deux habits lorsqu’un autre homme est nu,
Doit donner le meilleur à ce frère inconnu,
Et quiconque a du pain, un toit, un héritage,
Doit à ceux qui n’ont rien en faire le partage. »

Or, au fond de leurs cœurs ils se demandaient tous :
« Jean n’est-il pas le Christ apparu parmi nous ? »
Et lui : « Je ne suis pas le Messie, et pas même
Un prophète. Je viens vous donner le baptême ;
Je viens laver dans l’eau les hommes pénitens,
Et préparer la voie à celui que j’attends.
Voyez : lorsque la nuit vers l’occident recule,
Annonçant le soleil, paraît le crépuscule ;
Le Seigneur, de là-haut, l’envoie avec amour
Aux yeux que blesserait le brusque éclat du jour ;
Il vient, il verse à flots sa limpide rosée,
La moindre fleur des champs est par lui baptisée ;
Aux arbres des chemins comme à ceux des forêts
Chaque rameau lavé luit plus vert et plus frais,
Afin que le soleil n’échauffe rien d’immonde