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De fleurs et d’animaux que l’art a transformés,
L’ivoire et les métaux semblent s’être animés.
L’encens fuit des trépieds en vapeur tournoyante,
Le nard, aux lampes d’or, brûle dans l’amiante.
Le festin chante et rit, et mêle à tous momens
Le bruit des coupes d’or au son des instrumens.
La lyre alterne avec les flûtes et les trompes.
Le roi veut aujourd’hui montrer toutes ses pompes ;
Au sortir de sa fête, il faut que mille voix
Le proclament heureux et grand parmi les rois,
Car il goûte à la fois le meurtre et l’adultère ;
La belle Hérodiade, enlevée à son frère,
A su, d’un cœur usé réveillant les désirs,
Mêler ses cruautés d’incestueux plaisirs.
Grands et riches sont là, mendiant ses sourires,
Des rois les plus mauvais ministres cent fois pires,
Qui des vices du maître ont toujours fait leurs dieux,
Mais les bruits échappés de cet antre odieux
Attroupent alentour l’oisive multitude.


II.


Or, loin des carrefours qu’il hantait d’habitude,
Ce jour-là, mendiait, aux portes du palais,
Vieux, d’ulcères rongé, Lazare ; les valets,
Arrogans et cruels, et dignes de leur maître,
Le huaient, le battaient dès qu’il osait paraître ;
Il souffre de la faim, et voudrait seulement
Avoir pour toute aumône et tout soulagement
Les plus minces débris, les miettes de la table :
Mais nul ne les lui donne, et sa voix lamentable
N’éveille sur ce seuil que l’insulte et les coups ;
L’esclave armé du fouet le chasse avec courroux,
De l’aspect du lépreux craignant quelque souillure ;
Mais les chiens s’approchaient et léchaient sa blessure.

O cœurs des mendians à l’outrage endurcis !
Plus bas, sur l’escalier, le vieillard reste assis, -
Impérieuse faim ! et, tenace, il bourdonne
De l’appel usité le refrain monotone.
Des enfans vagabonds criant : Sus au lépreux !