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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/127

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Sur l’ondoyant duvet du coussin qui s’affaisse ;
Sur le marbre empourpré du vin qui la remplit
La coupe échappe aux doigts et roule au bord du lit.
C’est l’heure où le nectar, qu’enfin la main repousse,
Suscite le désir d’une ivresse plus douce.
Entre les gais propos et les folles chansons,
Un chœur plus gracieux bannit les échansons ;
De la reine ont paru les plus belles suivantes
A la lyre, à la danse, aux voluptés savantes ;
Elles entrent ; leurs yeux, leur langoureux maintien,
Attestent l’art impur d’un maître ionien.
Une d’elles s’avance au pied du lit d’ivoire
D’où sourit aux flatteurs Hérode dans sa gloire,
Et, prêtant l’ornement du luth et de la voix
Aux chants d’un vil rapsode, hôte gagé des rois,
Philtre plus enivrant que la coupe écumante,
Elle verse à l’amant l’éloge de l’amante

« Ta bouche a le parfum du raisin d’Engaddi ;
Tes yeux ont les ardeurs de l’heure de midi ;
Ceux des vierges, pour moi, sont froids comme l’aurore
Qui sans fondre la neige un moment la colore ;
Leur souffle est, sur ma couche, ainsi qu’un vent des eaux,
Sorti des nénuphars dormant sous les roseaux.
Toi, du brûlant simoun tu me verses l’haleine ;
De flammes et d’encens ton urne est toujours pleine.
Je préfère le vin qui cuve en ton cellier
Au fruit laiteux et vert de leur pâle amandier.
Plus mûre en ton verger, la pomme d’or plus ronde
De mielleuses saveurs sous mes lèvres abonde ;
Ton rosier, éclatant des plus vives couleurs,
Cache un frais rejeton né sous ses larges fleurs.
Tes lèvres ont le miel et le dard des abeilles.
Ouvre-moi ton enclos, et qu’à pleines corbeilles,
Sur ton arbre, où la fleur se mêle encore au fruit,
Je cueille avec transport… »

Mais sur le seuil un bruit,
Un pas ferme et tonnant résonne, et dans la fête,
Orage inattendu, gronde le noir prophète.
L’œil en feu, le front haut, il parle ; un morne effroi
Sur leur pourpre a cloué les convives du roi ;
Il parle, et le frisson vole avec sa voix prompte ;