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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/129

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Pour avoir adoré ton ventre, et tu mourras,
Rongeant ta propre chair sur chacun de tes bras.
Car l’Esprit du Seigneur, t’ayant trouvé rebelle,
Choisit pour se répandre une race nouvelle. »

Il dit. Princes du peuple et des soldats tremblaient,
Et, dans l’affreux réveil de l’ivresse, ils semblaient
Écouter dans le fond de leur propre poitrine
Une voix répétant la sentence divine.
D’une foudre invisible on les dirait frappés ;
La pourpre se déchire entre leurs doigts crispés.
S’agitant tour à tour sur ces faces livides,
L’étonnement, la haine, en tourmentent les rides ;
Puis, reprenant leurs sens et l’instinct du flatteur,
Cherchant à ne pas voir le spectre accusateur,
Ils consultent les yeux du maître avec prière,
Comme pour s’abriter derrière sa colère.

Ainsi, quand le chasseur, dans le charnier du loup,
Fier et l’épieu levé, se dresse tout à coup,
D’immondes louveteaux une troupe effarée,
Abandonnant la chair dont elle fait curée,
Se jette sous les flancs de la mère, attendant
Que la louve à l’œil rouge, aux reins arqués, grondant,
Bondisse, et qu’elle étreigne entre ses crocs d’ivoire
La gorge du chasseur trop sûr de sa victoire.

Or, frissonnant lui-même et glacé de stupeur,
— Car il sentait là Dieu, — mais recouvrant sa peur
Du fard de majesté, de calme et de justice
Dont le front des tyrans possède l’artifice,
Le roi de sa vengeance a suspendu le trait
Aiguisé dans son cœur. Un seul mot lancerait
Le glaive, et des licteurs la hache toujours prête
A saluer le prince en tranchant une tête.
Il n’ose encor frapper ; il sait qu’avec honneur
Le peuple accueillit Jean comme élu du Seigneur,
Qu’il est dans les tribus des hommes forts, sans nombre,
Nourris de ses leçons et se comptant dans l’ombre ;
Il craint d’obscurs vengeurs par sa mort engendrés,
Et croit voir, du palais franchissant les degrés,
Au lieu des vains remords qu’une autre orgie emporte,
La révolte aux cent bras déracinant sa porte.