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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/268

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possible, et elle ne se défendra que mollement, malgré son origine guerrière. Au contraire, dix années d’heureuse exploitation grouperont sur le sol une population respectable, et des comptoirs florissans aviseront bien aux moyens de se protéger.

En effet, tout ce qu’il y a de bon et de sympathique dans le système des colonies militaires pourrait être combiné avec une puissante direction commerciale. Au point de vue de l’économie politique, la sécurité est une valeur qui augmente le profit des entreprises : il n’est donc pas contraire à l’équité de mettre un prix à cet avantage. On pourrait imposer à chaque compagnie l’obligation de contribuer à la sécurité du pays par un service effectif et par un impôt en argent. La partie virile de la population ouvrière serait organisée en milice, sous le commandement d’un officier choisi par le gouvernement. Des exercices et des revues périodiques entretiendraient les habitudes militaires. Chaque famille devrait fournir un homme de garde tous les vingt jours : cet homme, étant pavé pour sa journée de garde comme pour une journée de travail agricole, verrait dans ce service un délassement plutôt qu’une obligation onéreuse. L’impôt en argent, versé au trésor, servirait à la solde d’une gendarmerie locale, ou serait appliqué aux dépenses de l’armée active, si la sécurité était suffisamment garantie par un poste voisin. Les colons paieraient ainsi de leur argent et de leur personne. Cette double cotisation, proportionnée au capital engagé dans l’entreprise, n’aurait rien d’excessif. Dans le village que nous montrerons bientôt pour type, avec 200 familles, on aurait, par jour, dix miliciens à 2 francs 50 cent., et autant de gendarmes à 4 francs, lesquels coûteraient, en total, environ 24,000 francs par an. A la première alerte donnée par les hommes de garde, un tel village réunirait plus de 200 fusils. Il nous semble que 200 hommes robustes et intéressés à la conservation du domaine, d’ailleurs bien exercés, bien retranchés, comptant parmi eux beaucoup d’anciens soldats de l’armée d’Afrique, qui seraient admis de préférence, constitueraient une résistance, sinon égale aux camps agricoles, au moins suffisante pour se défendre en attendant l’arrivée des corps mobiles. Chaque nouveau centre industriel, augmentant la partie civile et militaire de la population, autoriserait une réduction notable des dépenses coloniales. Pour ne citer qu’un exemple, le placement des 15 millions de kilogrammes que réclament les fabriques de coton enfanterait naturellement 5,000 soldats-laboureurs, et permettrait de retrancher 4 à 5 millions au budget de l’Algérie. Que le succès commercial se généralise, les villages, s’échelonnant d’eux-mêmes sur le sol et se soutenant les uns les autres, auront bientôt assez de vitalité et de ressources pour se protéger. Nous avons toujours regretté qu’on ait pris l’habitude d’opposer dans la discussion le principe civil au principe militaire, comme si les