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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/279

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se trouvera réduit à 1 franc 50 cent. ; il deviendra possible alors de produire la marchandise sur laquelle doit reposer l’espérance de la société à un prix assez bas pour que le placement en soit assuré en Europe. Ainsi se trouverait réalisée la véritable condition du succès, le débouché doublement assuré à l’intérieur et sur les marchés étrangers.

La certitude d’être constamment occupés est le second avantage offert aux travailleurs. La principale cause de la misère dans l’industrie européenne est moins l’insuffisance des salaires que l’irrégularité du travail. Il est bien rare que tous les bras disponibles d’une famille soient utilisés en même temps. Le mari, la femme, les enfans employés dans des ateliers divers manquent d’ouvrage tour à tour ; ceux qui sont occupés ont à soutenir ceux qui chôment ; ce sont ces alternatives qui introduisent au bout de l’année le déficit dans le modeste budget du ménage. Cet inconvénient n’est pas à craindre dans le genre d’exploitation qui convient à l’Algérie. L’intérêt du capitaliste, d’accord avec celui de l’ouvrier, sera de distribuer les travaux de manière à ce que les salaires ne soient jamais réduits par les chômages. Rien ne sera plus facile que d’occuper constamment tous les bras, quelle que soit d’ailleurs la composition des familles. Sans parler des soins de la basse-cour, des sarclages, des moissons, du fanage et autres labeurs réservés d’ordinaire à la population débile des campagnes, l’agriculture algérienne offrira mille occasions de rétribuer les femmes, les enfans, les vieillards, les infirmes. Plus les petits travailleurs se multiplieront, et plus il y aura de facilités pour ces cultures spéciales qui ne supporteraient pas une main-d’œuvre chèrement payée. Nous avons calculé, par exemple, que les femmes pourraient concourir à la récolte du coton dans la proportion de 20 journées par hectare, et les enfans de 30 journées. La production de la soie, jugée impossible jusqu’ici parce que les seuls ouvriers disponibles ont été des hommes robustes dont les prétentions étaient élevées, deviendrait au contraire facile dans une grande ferme qui réunirait beaucoup de jeunes filles. Chaque exploitation aurait, selon sa culture prédominante, une occupation spéciale pour les petits travailleurs, en attendant qu’ils fussent en âge de guider la charrue ou de soigner le bétail. Dans quelques domaines, ce serait l’écimage, la récolte, le séchage, l’emballage des tabacs ; dans les autres, la dessiccation des figues ou la cueillette des olives. Il y aurait une grande différence, on le remarquera, entre des services de ce genre et le travail des enfans dans les manufactures de l’Europe. Au lieu de l’atmosphère viciée de l’atelier, du battage assourdissant, du mouvement automatique, l’Algérie offrira aux enfans un air libre, un labeur varié, salubre, qui souvent même ne sera qu’un jeu. Citons quelques exemples : pendant la huitaine qui précède la moisson, il est nécessaire de faire battre les buissons a l’entour des champs de blés pour écarter les nuées d’oiseaux