Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont essentielles ; elles nous donnent la base du traitement qui doit être suivi dans l’éducation des imbéciles et des idiots. — Vis-à-vis des imbéciles, l’éducation doit être une civilisation, un retour à la vie sociale : un bon système d’enseignement suppose, sous ce rapport, un bon système de philosophie de l’histoire. — Dans le cas où l’idiot occupe un des rangs inférieurs de la série animale, l’éducation doit lui faire remonter les degrés de cette échelle qui se rapprochent le plus de l’homme. — Enfin, dans tous les cas de formation incomplète, il faut qu’une force étrangère reprenne en sous-œuvre le travail interrompu de la nature. Le traitement doit reculer alors jusqu’au point d’arrêt de l’idiotie, et continuer l’ouvrage du Créateur, en remaniant, pour ainsi dire, tous les organes. Cette théorie de l’enseignement s’appuie sur les caractères naturels de l’infirmité ; elle nous semble être la seule qui puisse conduire à des résultats précis, la seule qui réponde aux progrès et aux exigences nouvelles de la science.

Hors des hospices, la tâche du législateur est plus compliquée. Quelle conduite tenir envers ces demi-imbéciles qui menacent la société et eux-mêmes sans le savoir ? Peut-être conviendrait-il d’organiser à l’égard de ces imbécillités tolérables un système de patronage, pour les surveiller et les soutenir. Dans les cas de chute, l’humanité nous conseille de convertir pour ces infirmes de la conscience la prison en hospice, le châtiment en un régime d’hygiène morale. L’administration doit, de son côté, retirer de la population des germes d’affaiblissement intellectuel qui tendent à se propager. Cherchons à éteindre doucement, à l’ombre de nos établissemens publics, la race des idiots et des imbéciles, en attendant que nous arrivions à la perfectionner. Un moyen d’arrêter ou d’atténuer du moins dans l’avenir les causes du mal, c’est le développement de l’éducation primaire dans les campagnes de France. Plus la moyenne des connaissances s’élève chez un peuple, et moins la nature retourne en arrière vers les conditions abrutissantes de la barbarie ou de l’animalité. Ne tuons pas les enfans idiots comme faisaient les anciens, comme font encore les habitans de la Chine ; empêchons-les de naître en dissipant les ténèbres de l’ignorance au sein desquels couve l’idiotie. Ce moyen civilisateur ne saurait d’ailleurs embrasser à lui seul toute la question ; il y a et il y aura sans doute toujours des pauvres d’esprit, des êtres maltraités par la naissance, auxquels il sera interdit de participer aux progrès de la civilisation. Le but qu’on peut espérer d’atteindre vis-à-vis de ceux-là est de les rendre de jour en jour moins pénibles à la société, à leur famille, à eux-mêmes. Élever et consoler, cette œuvre est grande. Tirer l’être moral du néant, c’est le but que Dieu même s’est proposé au commencement du monde quand il s’est dit : « Faisons l’homme ! »


ALPHONSE ESQUIROS.