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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/353

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en Europe ; depuis, il n’a point joué de rôle politique, il s’est contenté d’observer, de voir, et, tandis que d’autres ébranlaient la société à son sommet, de préparer les nouveaux élémens qui pourraient lui servir de base. Il n’est pas étonnant que son attention se soit portée sur l’instruction publique et en particulier sur l’éducation du peuple. M. Seoane a été, dès l’origine, secrétaire de la société pour l’amélioration de l’éducation populaire. Il met à ces travaux un zèle extrême, infatigable. Il ne fait pas seulement chaque année le résumé de la situation de la société ; il suit cette œuvre dans tous ses détails avec un soin vigilant et continuel. Il surveille, avec un plaisir qu’il ne cache pas, les progrès de la moralisation des classes pauvres. J’ai visité, avec M. Mateo Seoane, l’école de Virio, dans la rue d’Atocha ; à peine avions-nous mis le pied sur le seuil, que tous ces enfans, poussés par l’instinct du cœur, se jetèrent au-devant de cet homme de bien, se suspendirent à lui pour ainsi dire, l’entourèrent en criant : Amigo ! amigo ! Il semblait se retrouver au milieu d’une immense famille où il eût été attendu. La gloire a sans doute des charmes puissans, il y a quelque chose d’enivrant pour l’homme dans ce bruit que son nom soulève : est-il cependant beaucoup d’hommages qui vaillent ce cri naïf et reconnaissant d’amigo, poussé par cent bouches enfantines, dans une pauvre école, à la vue de l’homme qui a le plus contribué à la création de ces asiles protecteurs ? est-il beaucoup de louanges sonores qui puissent donner à l’ame une joie aussi pure, et prouver plus clairement à celui qui en est l’objet que ses efforts n’ont point été inutiles ? Ce premier moment passé, les petits écoliers, dont quelques-uns pouvaient à peine marcher, reprirent leur place et continuèrent sous nos yeux leurs leçons. Pour peu qu’on y prête une attention sérieuse, il est impossible de ne point remarquer combien il y aurait de ressources dans la nature espagnole, si elle était développée avec soin. Voyez tous ces enfans, il y a chez eux la plus rare précocité d’intelligence et une aptitude merveilleuse à recevoir l’instruction. Si l’œuvre éminente entreprise par la société pour l’amélioration de l’éducation populaire parvient à s’étendre comme elle le doit, il est certain qu’il peut en résulter un grand changement moral dans l’état de l’Espagne. C’est un des moyens les plus directs qui puissent influer sur l’avenir ; c’est par cette action bienfaisante que le peuple, jusqu’ici plongé dans l’ignorance et dans la paresse, habitué au spectacle de l’anarchie, peut être mis au niveau du régime libre. Il y a en effet un rajeunissement moral à provoquer et à seconder en Espagne ; aussi M. Seoane le dit-il avec raison dans un de ses derniers rapports annuels : « Qui peut nier que les plus respectables croyances ne soient fort affaiblies, et qu’il ne soit très difficile, sinon impossible, de les faire renaître, pour le bien de la société, dans la génération présente, qui est venue au jour, a été élevée, a vécu et vit encore au milieu de tout ce qui peut exciter l’indifférence, le doute ou le dégoût ? Et si cet affaiblissement