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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/36

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On a pu ainsi, en 1841, frapper d’un anathème officiel la proposition faite par un Mexicain fort honorable et fort distingué, M. Gutierrez Estrada, de revenir à la monarchie, comme à la seule forme de gouvernement qui fût propre à donner à la patrie la stabilité, le calme, la puissance, qu’elle a vainement cherchés sous une suite de dictatures marquées les unes par des orages, les autres par l’ignominie ; mais c’est pareillement ce qu’on eût fait officiellement en France, la veille du 18 brumaire an VIII, alors que tout était mûr cependant pour que les institutions monarchiques se relevassent de la poussière où elles gisaient. Ainsi, la réprobation apparente qui a atteint M. Gutierrez Estrada ne prouve rien. Le parti démagogue, qui seul soutient sérieusement la république, est méprisé au Mexique, sans chefs capables, sans aucune racine dans le sol. Au contraire, les élémens monarchiques ne manquent pas. Tout ce qui reste des grandes fortunes faites dans les mines se grouperait avec transport autour d’un trône. Comme partout, le clergé, qui est puissant, est favorable à la monarchie, et il a en ce moment des raisons toutes personnelles pour en souhaiter le rétablissement, car les biens qui lui restent sont une proie sur laquelle le parti de la république est toujours prêt à se jeter. Ces jours derniers, une loi avait été rendue pour mettre ces biens en vente, afin de subvenir aux frais de la guerre. Le clergé de la capitale a répondu à cette tentative de spoliation en suspendant les pratiques du culte, et la loi de mise en vente est demeurée comme non avenue. Les populations mexicaines, qui, de même que la France en l’an VIII, soupirent après la sécurité, accueilleraient, c’est incontestable, la monarchie comme une providence, si elle se présentait avec quelques-uns des attributs de la force. On croirait qu’un pareil ensemble de vœux devrait suffire pour que, dans un très bref délai, Mexico dût saluer un roi ; mais qu’on se reporte au mois de brumaire an VIII, et on comprendra quel labeur c’est de retirer tout un gouvernement, tout un peuple, d’une ornière où ils se sont embourbés, pour les remettre dans la bonne voie. Sans la vigoureuse, main du vainqueur de Rivoli et des Pyramides, le retour de la France, à la monarchie eût été impossible en brumaire, quoique la France le voulût. Il n’y a personne au Mexique pour assumer ce rôle d’arbitre suprême des destinées de la patrie, proclamer la volonté nationale, et, une fois accomplie, la faire respecter au dedans et au dehors. Une partie, de cette gloire fut donnée à Iturbide en 1821. Il décréta, avec l’assentiment général, que le Mexique voulait la monarchie ; mais son entreprise échoua, parce qui il manqua d’un roi à présenter à ses concitoyens, si bien que, faute d’un prince d’une des familles souveraines de I’Europe, il fut conduit à placer la couronne sur sa tête, où elle ne pouvait tenir. Le même embarras se reproduirait aujourd’hui, lors même qu’il y aurait un homme qui pût se faire reconnaître pour l’interprète