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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/378

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tenir disponible ; son action est ainsi complètement annulée, et elle dépend, dans toutes ses relations, des moindres circonstances politiques : elle est donc inutile dans la crise présente, et le commerce voudrait lui voir un auxiliaire. Dès la fin de 1844, M. Bülow-Cummerow avait sollicité la création d’une banque par actions, qui fût tout à la fois banque de dépôt, d’escompte et de circulation, sous la surveillance, mais non pas sous la dépendance de l’état. L’ordonnance du 11 avril 1846 a été l’unique résultat de ses instances ; elle n’y a répondu qu’à moitié, et il nous explique comment.

Cette ordonnance avait pour but de remédier à la rareté toujours croissante du numéraire par une nouvelle émission de billets. La banque était autorisée à jeter du papier sur la place jusqu’à concurrence de 10 millions de thalers par coupures de 25, 50, 100 et 500. Il était dit en même temps que cette banque gouvernementale admettrait des actionnaires et prendrait ainsi une sorte de caractère mixte. C’était donc en somme une demi-satisfaction accordée aux exigences du moment ; on rendait à la circulation, sinon toutes les facilités dont elle avait un si urgent besoin, du moins un surcroît de moyens d’échange ; d’autre part, si l’on ne s’en remettait pas entièrement à l’industrie libre, comme le voulait M. Bülow, du soin de relever le crédit public, on l’appelait cependant au sein même de la banque royale pour fortifier la garantie de l’état. Quel que fût l’avantage de cet ordre de choses sur l’ancien, il n’en restait pas moins défectueux, parce que la banque, ainsi agrandie, n’avait pas encore assez de valeurs immédiatement réalisables pour soutenir son papier, parce que cette émission de papier-monnaie pouvait être considérée comme un emprunt véritable, et sembler de la sorte une infraction à la loi du 17 janvier 1820, l’emprunt n’ayant pas été contracté avec l’assentiment des états ; parce que cette émission même était de beaucoup au-dessous des nécessités ; parce que cette insuffisance ôtait à l’établissement royal toute action efficace sur le prix de l’argent et le réduisait à n’être que le banquier des banquiers ; parce que le peu de capitaux particuliers qui voudraient s’engager dans l’institution gouvernementale ne représentaient pas à coup sûr la coopération du public et n’attireraient pas une confiance assez générale ; parce que, les statuts fondamentaux de la banque l’empêchant de prêter sur marchandises, elle n’était pas à même de s’engager dans une quantité d’affaires qui se trouvaient du ressort d’une banque privée. La banque royale, réorganisée par l’ordonnance du 11 avril 1846, a commencé maintenant à fonctionner sur ses bases nouvelles ; M. Bülow-Cummerow ne renonce pas à ses critiques et demande encore, dans une toute récente publication, qu’il soit enfin permis à la Prusse d’organiser en grand le crédit national au moyen d’une institution libre dont il a plusieurs fois tracé le plan et le régime.

L’ouvrage auquel nous faisons allusion, la Prusse en janvier 1847, est un exposé très succinct, mais très précis, de la situation générale du pays au moment où parut l’ordonnance du 3 février dernier ; c’est en même temps une analyse rigoureuse des différentes parties du système politique introduit par l’ordonnance, un examen plus sévère que flatteur de l’œuvre royale. Deux points surtout nous frappent dans ce travail dont les détails matériels ne nous offrent rien de bien neuf, mais dont l’esprit est significatif, parce qu’on y sent le contrecoup des impressions du moment. Nous nous bornons à ces deux aperçus.