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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/384

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chapitre qu’il va raconter le développement historique du paupérisme et du communisme en Allemagne : la vérité est qu’il ne fait qu’abréger ce qui s’est écrit là-dessus relativement à l’Angleterre et à la France. Quant à l’Allemagne, il lui réserve seulement son droit accoutumé de priorité chronologique, et, prenant date en sa faveur, réclame le mérite de l’invention au nom des anabaptistes de Munster. M. Steinmann examine ensuite les causes du paupérisme et les moyens d’y remédier. Rien de plus simple : qu’on abolisse les impôts de consommation et qu’on proscrive le luxe ; que l’état cesse d’adjuger ses fournitures au rabais ; qu’on fixe les salaires par une loi positive ; qu’on interdise la spéculation commerciale sur les denrées ; qu’on supprime les chemins de fer ; qu’on limite la liberté de l’industrie ; qu’on défende l’usure, et l’usure, pour l’auteur, c’est le prêt légal et l’usage même du crédit ; qu’on entreprenne toutes ces belles réformes et bien d’autres encore, le paupérisme disparaîtra de lui-même. Ce livre-là n’a jamais été et ne sera jamais dangereux.

Celui de M. de Kamptz aurait pu l’être, mais la saison du péril est passée. L’ouvrage ne date cependant que du milieu de l’année dernière, et il est déjà condamné pour toujours au néant : c’est un travail plein d’érudition, de divisions et de subdivisions, très sérieux, très instructif, et personne pourtant ne le lira plus. D’où vient ce malheur étrange ? M. de Kamptz a fait un gros volume sur un petit discours du roi. Le roi avait dit, un jour de mauvaise humeur, que les promesses données par son auguste père en 1815 n’engageaient pas sa liberté. Frédéric-Guillaume III avait annoncé à la Prusse une assemblée nationale, une représentation du peuple : cela ne convenait plus à Frédéric-Guillaume IV, pour l’instant du moins. M. de Kamptz a composé son livre pour prouver juridiquement que Frédéric-Guillaume IV avait raison ; que Frédéric-Guillaume III s’était servi par inadvertance d’une expression équivoque ; qu’il n’avait jamais été question en Prusse et en Allemagne que d’assemblées d’états, et non de représentation générale ; qu’il fallait même se contenter d’états provinciaux, parce que c’était chose encore plus historique, et qu’enfin l’idée d’avoir un jour les états réunis du royaume entier était tout bonnement une hérésie au premier chef. Le roi ayant eu maintenant le bon esprit d’adopter et de légaliser cette hérésie damnable, M. de Kamptz reste seul en compagnie d’un excellent livre, qui a eu le tort de venir ou trop tard ou trop tôt. Nous doutons fort qu’un à-propos quelconque remette jamais dorénavant ses théories à la mode ; l’esprit bureaucratique est décidément vaincu, même en Prusse, par l’esprit national.