Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre genre sur les fonds publics. Tels sont les principes qui ont triomphé en Angleterre il y a trois ans, et qui ont raffermi le crédit financier de la Grande-Bretagne. Ne peut-on pas dire que dans cette circonstance le gouvernement anglais et sir Robert Peel s’inspiraient de l’esprit de sagesse qui a mis si haut dans la confiance du pays la Banque de France ?

Entre la commission des crédits d’Afrique et le cabinet, il vient de s’élever une question à la fois constitutionnelle et militaire. Ayant appris que M. le maréchal Bugeaud avait l’intention de se rendre dans la Kabylie avec une division de dix mille hommes, la commission a député M. Dufaure auprès de M. le ministre de la guerre, pour lui faire connaître qu’un pareil projet n’avait pas son approbation. M. de Saint-Yon en a référé au conseil, qui l’a chargé de répondre à M. Dufaure qu’il y avait dans son ouverture quelque chose d’inconstitutionnel, et comme un empiétement sur les prérogatives du pouvoir exécutif. Sur la question de principes, nous serions assez disposés à partager cet avis ; mais comment ne pas faire remarquer que, si la chambre a pris l’habitude d’intervenir, pour ce qui concerne l’Afrique, dans les questions qui appartiennent essentiellement au pouvoir exécutif, elle y a été provoquée, encouragée par le gouvernement lui-même depuis seize ans ? Il est un peu tard pour reconquérir le terrain perdu. Au surplus, puisqu’il est question de la Kabylie, nous signalerons l’espèce de révolution morale qui s’est faite dans un grand nombre de tribus kabyles que nous voyons aujourd’hui rechercher notre alliance. À l’ouest de Philippeville, à Setif, à Bougie, les Kabyles ont manifesté le désir de nouer avec nous des relations commerciales suivies. Dans le cercle de Bougie notamment, l’heureuse vigueur du commandant supérieur, M. de Wengi, a déterminé la soumission de tribus nombreuses et l’arrivée d’une foule de Kabyles au marché de la ville. Le mouvement pacifique, une fois imprimé, n’a pas tardé à entraîner les chefs qui s’étaient montrés nos plus ardens ennemis ; on les a vus à Alger venir recevoir l’investiture des mains du gouverneur-général. Dans la partie orientale de la Kabylie, notre situation n’est pas moins favorable. La création d’un établissement permanent à Sour-el-Ghozlan, dans l’est de la province d’Alger, à la tête de la vallée qui sert de communication entre les montagnes du Jurjura et les plaines du sud, a suffi pour attirer à nous les montagnards. De ce côté, l’événement le plus important a été la soumission de Ben-Salem, l’un des plus puissans khalifa d’Ab-el-Kader. À sa suite sont arrivés les chefs des principales tribus du Jurjura et les personnages indigènes émigrés des diverses parties de la province et réfugiés au milieu des Kabyles. Fidèle au caractère religieux qu’il avait toujours manifesté pendant qu’il exerçait le commandement au nom de l’émir, Ben-Salem n’a pas voulu accepter de fonctions politiques en se soumettant à la France. Le succès de toutes nos entreprises a été à ses yeux le signe évident de la volonté de Dieu, et, en déposant le dernier les armes qu’il avait prises au nom de la religion et pour le bien de son pays, il a demandé à aller faire un pèlerinage à la Mecque. Ces résultats donnent à nos relations en Afrique une sorte de consécration dont l’honneur appartient tant à l’énergie de nos soldats qu’à l’habile direction des affaires arabes.

En portant nos regards au dehors, nous retrouvons en Grèce, en Portugal, en Espagne, les mêmes agitations, les mêmes périls pour les institutions constitutionnelles. Cependant, à Athènes, un vote parlementaire vient de montrer que