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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/394

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général Mazarredo, l’ami de Narvaez, ancien ministre avec M. Gonzalez-Bravo, et de l’autre il donne satisfaction en théorie à plus d’une prétention du parti progressiste ; mais, dans la pratique, de quel côté penchera M. Pacheco ? Jusqu’ici son programme n’a rien de fort effrayant pour le système de modération qui a prévalu en Espagne depuis quatre ans. Son discours d’inauguration aux cortès ne diffère pas sensiblement de tous ceux qui ont été prononcés en pareil cas. Parler de son respect pour la légalité et de sa volonté de ne la point enfreindre, à moins d’y être contraint par quelque insurrection, en vérité ce n’est pas beaucoup s’engager. M. le duc de Soto-Mayor en avait dit autant, ce qui ne l’a pas empêché de tomber. Ce qui rend la situation du nouveau cabinet difficile, c’est le vice de son origine. Nous nous expliquons avec peine comment M. Pacheco, qui a toujours passé pour un homme essentiellement parlementaire, a pu accepter le pouvoir en présence d’un vote de confiance accordé au ministère précédent. Si on nous objecte que cela est très régulier, que la reine a parfaitement le droit de congédier ses ministres et d’en choisir d’autres, nous répondrons qu’il y a des limites à ce droit, et que c’est en abuser que de donner deux fois en un an le spectacle d’une destitution en masse de ministères qui avaient l’appui des cortès. Il ne faut pas vouloir chercher des causes trop profondes à ces changemens, ni se hâter de conclure d’une manière trop absolue que l’influence française est en pleine décadence au-delà des Pyrénées. Sans nier la part que M. Bulwer a dû prendre à la dernière révolution ministérielle, qui amène au pouvoir son ami M. Salamanca, il n’est pas exact de dire que la formation du nouveau ministère espagnol soit une déclaration d’hostilité contre la France. M. Pacheco, malgré son opposition à quelque tendances, supposées trop complaisantes, des cabinets précédens pour notre gouvernement, est un des hommes qui sentent le mieux le prix qu’il faut attacher à une sincère alliance entre les deux pays. L’avènement au pouvoir de la fraction dite puritaine du parti modéré est un essai de plus, un tâtonnement de plus, et c’est là son principal caractère.

Maintenant, le cabinet de M. Pacheco réussira-t-il à s’asseoir d’une manière durable ? C’est ce dont il est permis de douter. Déjà le parti progressiste, qui n’avait pas dissimulé sa joie en le voyant arriver au pouvoir, qui a voté en sa faveur, commence à se retirer de lui, et nous ne pensons pas cependant que M. Benavidès et Mazarredo soient disposés à rien ajouter à leurs concessions pour le ramener. D’un autre côté, le parti modéré, chaque jour blessé par les attaques dont il est l’objet, voudra-t-il lui rendre un appui qu’il lui a refusé le premier jour ? Il est certain que, si ces deux grandes fractions de l’opinion reprennent leur position naturelle, le ministère Pacheco n’aura pas un meilleur sort que ceux qui l’ont précédé. Les crises recommenceront peut-être en face de la guerre civile, activement fomentée en ce moment même sur tous les points de la Péninsule par le parti carliste.

Cette inconsistance de la politique en Espagne ne nuit pas seulement à ses affaires intérieures, elle empêche évidemment la création de relations nouvelles avec les pays qui n’ont pas encore reconnu la reine Isabelle, et elle a même une très fâcheuse influence sur ses relations avec les peuples amis. Il y a avec la France, par exemple, une multitude de questions pendantes qui, d’un jour à l’autre, pourraient devenir graves et susciter de sérieux embarras. Sans qu’on s’en