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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/452

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différence d’une maison, où le prix originaire sert de base pour la fixation du revenu, pour un fonds de terre, c’est, au contraire, le revenu qui sert à déterminer le prix vénal.

Il résulte de là une autre conséquence non moins importante : c’est que l’élévation relative du revenu foncier ou des fermages dans un pays prouve seulement que les conditions de l’exploitation du sol y sont plus favorables qu’ailleurs. Dire que ce revenu est considérable, que le taux des fermages est élevé, c’est dire en d’autres termes que l’exploitation de la terre est avantageuse, que le produit net est important. Lors donc que, venant à comparer notre situation à celle de certains pays moins avancés, on constate la cherté de nos terres et le haut prix des fermages, loin de prouver par là notre infériorité relative, on ne fait qu’établir, par des témoignages frappans, notre extrême supériorité ; on montre toute l’étendue des avantages que nous avons sur d’autres peuples toute la distance que nous aurions à franchir pour descendre à leur niveau.

Veut-on savoir maintenant pourquoi les fermages, et par suite la valeur vénale des terres, sont plus élevés en France que dans certains autres pays ? c’est que la densité des populations dans nos campagnes et le voisinage des grands centres de consommation assurent aux produits de notre sol un débit plus facile, plus constant, et à de meilleures conditions de prix. C’est une différence pareille à celle que l’on remarque, dans l’intérieur même de la France, entre les exploitations situées dans le voisinage des villes et celles qui en sont plus éloignées. Les premières donnent, à fertilité égale, de plus forts revenus et ont une valeur plus grande, parce qu’en raison de l’avantage de leur situation le débouché pour leurs produits est plus assuré et plus prochain. Pour que les cultivateurs des terres plus éloignées concourent avec les autres à l’approvisionnement de ces villes, il faut qu’ils supportent de plus grands frais de transport, qui diminuent d’autant la valeur réelle de leurs denrées. De là un amoindrissement nécessaire du produit net de leur culture et par conséquent du revenu foncier. Voilà précisément ce qui arrive aux cultivateurs polonais et russes, avec cette circonstance aggravante, qu’outre la difficulté des transports sur terre, leurs produits ont encore les mers à franchir pour trouver de larges débouchés. Qu’on ne cherche pas ailleurs la cause du bas prix des terres dans ces contrées et de la presque nullité des fermages ; elle est tout entière dans ce seul fait. On voit bien, du reste, que ce n’est pas une circonstance favorable pour eux ; loin de là : c’est, au contraire, le témoignage et l’effet d’une infériorité frappante de position. De ce que les terres qui, en France, sont à une grande distance des villes se louent moins cher et valent moins que celles qui en sont voisines, en conclurons-nous qu’elles doivent ruiner la culture de ces dernières ? Le