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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/454

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la vente des produits du sol est, en effet, dans le rapport de l’offre et de la demande ; c’est la demande seule qui en règle le cours. Voilà pourquoi ces produits se vendent toujours plus cher dans les pays peuplés et riches comme la France et l’Angleterre, où la demande est plus forte, que dans les pays où une population rare et pauvre ne leur ouvre qu’un faible débouché. Les cultivateurs de nos contrées jouissent en cela d’un privilège, d’une sorte de monopole relatif que leur situation leur donne et dont ils se servent pour élever leur prix, monopole naturel d’ailleurs, et dont il ne faudrait pas se plaindre, si les lois restrictives ne venaient si mal à propos l’aggraver. Aussi, ces différences de prix que l’on relève et qu’on nous oppose ne font-elles en réalité que mieux constater les avantages dont nos producteurs jouissent.

Nous n’entendons pas dire toutefois que, dans certaines contrées pauvres, on ne produise pas les denrées agricoles à plus bas prix qu’en France. Le prix de revient y est en réalité moins élevé ; mais pourquoi ? Est-ce parce que la main-d’œuvre y est moins chère, ou que les charges qui retombent sur l’agriculture y sont moins fortes ? Nullement : c’est que, les besoins y étant plus faibles, les débouchés moins étendus, et les prix en conséquence moins élevés, on n’y a ni la volonté ni le pouvoir de cultiver la terre au même degré. On s’y contente, s’il est permis de le dire, d’une culture sommaire, le produit de la vente des denrées n’étant pas suffisant dans ces pays pour solder une culture plus compliquée et plus savante. On n’y met d’abord en valeur que les portions du sol les mieux situées et les plus fertiles ; en outre, on y sollicite très peu la terre, ne lui demandant guère que ce qu’elle donné par elle-même, presque sans travail et sans frais. Voilà comment on arrive dans ces pays à une production à bon marché ; triste avantage, qui prouve seulement, dans ce cas, l’absence des consommateurs. Ce n’est pas parce qu’on y cultive à peu de frais que les prix sont bas, mais c’est parce que les prix sont bas qu’on est forcé d’y cultiver à peu de frais ; tandis que, dans nos pays plus peuplés et plus riches, comme les besoins sont plus étendus et les prix en conséquence plus élevés, on trouve du profit à étendre la culture jusque sur les terrains médiocres, et à travailler davantage la terre, fût-ce à plus grands frais, pour en obtenir des produits plus abondans. Ainsi s’expliquent ces extrêmes différences dans les prix, différences qui ne prouvent pas, il s’en faut de beaucoup, la supériorité agricole des pays qu’on nous oppose. On voit bien, d’ailleurs, que ces pays ne produisent à si bon marché qu’à la condition de produire très peu, et cette seule circonstance devrait nous rassurer contre les grandes invasions que l’on redoute.

On s’étonnerait bien des clameurs qui s’élèvent quelquefois à propos de l’inondation possible des produits de la mer Noire ou de la Baltique, si l’on considérait combien est faible et chétive au fond la puissance