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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/466

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on peut la tirer de plus loin. Avec cela, elle est encore peu de chose relativement à la consommation générale du monde. Si le commerce des denrées agricoles était libre dans toute l’Europe, certes, ce n’est pas sur ces contrées lointaines et pauvres que l’on s’habituerait à compter. Dans le cas, par exemple, d’une insuffisance de la récolte des céréales sur son territoire, croit-on que c’est de la Russie méridionale que l’Angleterre attendrait le complément de ses besoins ? Non ; elle le demanderait bien plutôt à la France, à la Belgique, à l’Allemagne, à d’autres pays placés dans des conditions semblables, pays qui sont à la fois plus voisins d’elle et mieux pourvus. De même, si une disette se faisait sentir en France, ou plutôt si une certaine rareté accidentelle s’y manifestait (car nous ne croyons pas qu’une véritable disette soit possible sous l’empire du commerce libre), c’est à l’Angleterre bien plus qu’à la Russie que la France s’adresserait. Cela s’est vu dans la première moitié du dernier siècle, alors que l’exportation des grains était encouragée dans la Grande-Bretagne, et cela se verrait encore malgré l’accroissement notable de la population de ce pays. Qu’on se rappelle seulement, pour s’en convaincre, que la Belgique, aussi peuplée que l’Angleterre et plus peuplée que la France, a été, malgré le peu d’étendue de son territoire, le grenier de l’Europe pendant quinze ans. C’est donc encore après tout entre les pays les mieux pourvus en population et en richesse qu’aurait lieu le plus grand commerce des produits du sol, tant à l’exportation qu’à l’importation, et les pays neufs ne figureraient dans ce commerce, comme ils le font ailleurs, que pour former de faibles appoints. C’est que véritablement il n’y a de grandes ressources productives que là où la consommation est grande, et que, si l’on veut trouver des réserves importantes, il faut s’adresser là où se manifestent d’ordinaire d’importans besoins. Et qu’on ne pense pas que les différences de prix que nous signalions tout à l’heure seraient un obstacle à ce commerce, puisque, sous l’influence d’une demande active, ces différences s’effacent rapidement.

C’est l’influence des lois restrictives qui change seule tous ces rapports. A la cherté naturelle des denrées, que le voisinage des grands centres de consommation amène, ces lois ajoutent d’abord une cherté factice. Par là elles mettent les denrées nationales hors de concours. Tant que la liberté règne, quelle que soit à cet égard la différence d’une contrée à l’autre, elle n’est jamais que relative et suit en quelque sorte le rapport des distances jusqu’aux principaux lieux de consommation. Cette différence s’efface même entièrement à la frontière, où le contact des denrées en nivelle les prix. Dans ce cas, l’exportation n’est donc jamais impossible, et le moindre accroissement de la demande pour le dehors la provoque abondamment. Il n’en est plus ainsi quand les lois restrictives interviennent et que la cherté factice commence. Alors, entre le