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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/480

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la Grande-Bretagne pour moins d’un centime par numéro, l’administration continuait à faire payer une taxe moyenne de 85 centimes par lettre. Le public ne pouvait pas se soumettre de bonne grace à rétribuer ce service quatre-vingt-dix ou cent fois ce qu’il devait naturellement coûter.

La taxe des lettres, quoique portant sur de faibles quantités, produisait ainsi des résultats considérables. En 1838, le revenu brut avait été de 2,346,278 livres sterl., ou d’environ 59 millions de francs. Le revenu net s’était élevé à 1,659,509 livres sterl., près de 42 millions de francs. Les produits de cette taxe, gênés dans leurs développemens par un tarif exagéré, n’avaient pas suivi cependant les progrès de la population ni ceux de la fortune publique. M. Rowland Hill fait remarquer que les droits établis sur les voitures publiques, qui rendaient, en 1815, 217,000 livres sterl., rapportaient en 1835 498,000 livres sterling, accroissement de 128 pour 100, tandis que, de 1815 à1825, le produit net de la taxe des lettres avait subi une légère diminution. Le calcul ne se présente pas tout-à-fait avec les mêmes élémens, si l’on prend pour base le produit brut qui offre une faible augmentation dans le même intervalle. Néanmoins tout revenu stationnaire est un revenu mal assis, et voilà ce que l’on pouvait justement dire de la taxe des lettres dans la Grande-Bretagne.

Était-il possible de réduire largement cette taxe sans compromettre le revenu que l’état en retirait ? M. Rowland Hill le pensa et eut l’imprudence de le dire. Il évalua l’accroissement probable dans la circulation des lettres au quintuple de celle qui existait, et n’entrevit qu’une réduction peu sensible dans les recettes de l’Échiquier. Son plan consistait, comme on l’a déjà pressenti, à réduire le port d’une lettre simple du poids maximum de 15 grammes à 1 penny, à faire vendre par l’administration des enveloppes ou des empreintes timbrées qui serviraient à affranchir les lettres, à rendre la distribution plus facile et plus rapide, à simplifier le travail de l’administration. Pour en assurer l’exécution, le ministère whig attacha M Rowland Hill à la trésorerie, et l’inventeur fut chargé ainsi de surveiller la mise en œuvre du système.

Les premiers résultats ne répondirent pas à l’attente générale ; le revenu se trouva profondément atteint, et la circulation des lettres n’augmenta pas dans la proportion que l’on avait d’abord admise. En 1840, le nombre des lettres montait de 75 à 168 millions, ou de 124 pour 100 ; mais le revenu net tombait de 1,633,000 livres sterling à 500,000, réduction de 330 pour 100. Le revenu s’est relevé depuis, mais lentement. Le nombre des lettres s’est constamment accru, mais par une alluvion presque insensible et non pas par une inondation subite. Aujourd’hui, 300 millions de lettres représentent la circulation annuelle