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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/500

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populaire : tout, dans cette première école libérale, se ressentait de l’ascendant d’un homme de génie sur le XVIIIe siècle.

Mais Voltaire ne fut pas tout son siècle. Le mouvement qui produisit, et Voltaire, et son école, et son siècle, fut un mouvement fécond ; il jeta à plus d’un germe dans le sillon que creuse l’humanité. Juge non moins superbe du passé, plus novateur encore, et cependant plus respectueux ; non moins hardi, mais moins prompt dans ses conclusions ; méditatif, recueilli, solitaire, plus souvent dominé par l’imagination ou la sensibilité, et soumettant parfois à l’une comme à l’autre la raison même, un des maîtres du XVIIIe siècle a créé une secte au sein de la grande secte qui envahissait tout, une philosophie à côté de la philosophie, une politique en avant de la politique. De là une école moins pratique, plus spéculative, plus sentimentale, et qu’on pourrait appeler l’école de Rousseau.

Enfin il y eut, en plein XVIIIe siècle, un homme qui obtint plus d’admiration que d’influence, mais qui se distingua, au sein de la famille philosophique, par une brillante individualité. Celui-là n’a point de dédain pour ce qui est, il ne se fait point honneur d’ignorer le passé ; il le néglige si peu, qu’il emploie tout son génie à le comprendre et à l’expliquer. En se montrant çà et là capable de s’élever aux principes absolus, il s’abat constamment sur les faits, et s’efforce de pénétrer le sens caché des événemens et des institutions ; il se plaît au spectacle des choses humaines ; il le reproduit, mais il le juge, et c’est par un examen approfondi de ce qui est qu’il réussit à entrevoir ce qui doit être ; c’est des faits que sort pour lui la pensée, comme des ténèbres jaillit la lumière. L’école de Montesquieu est historique.

Dans le sein de la philosophie du XVIIIe siècle, la communauté des principes, le concert des efforts, la convergence des directions, n’empêchent point de distinguer trois écoles. Toutes trois marchent à la révolution. Elles peuvent invoquer ces noms immortels, Voltaire, Rousseau, Montesquieu.

De notre temps, on a pu retrouver des nuances analogues, et dans l’esprit libéral apercevoir plus d’un esprit. La grande école au sein de laquelle le siècle a été élevé, c’est celle qui a propagé plus puissamment, mais plus témérairement qu’aucune autre, le mouvement qui emporte les sociétés. Elle subsistait encore il y a trente ans, plutôt contenue que modifiée par les événemens, avant appris, de l’expérience à se défier de son pouvoir plus que de ses idées.

La liberté et la raison étaient aussi fidèlement, quoique autrement servies par une autre classe d’esprits éminens que l’empire des circonstances avait écartés davantage du grand courant des sentimens nationaux. Ils unissaient un élément exotique à ces principes dont Paris avait été depuis Voltaire la métropole toute-puissante. Les traditions de