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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/582

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REVUE DES DEUX MONDES.

de Karol ressemble trop à Joseph Marteau, de même que Karol lui-même rappelle, en grimaçant un peu, la frêle et rêveuse physionomie d’André. En général, ce livre attriste comme une ride sur un visage qu’on a connu jeune et rayonnant. Ainsi, Karol, c’est André avec des manies, c’est Sténio avec des maux de nerfs. Lucrezia, c’est Lavinia, Metella, Lélia, mais avec de l’embonpoint et quatre enfans autour d’elle. Poétiques héroïnes de George Sand ! voilà une sœur bien indiscrète : elle se dit votre cadette, et elle a près de quarante ans !

Si maintenant nous voulions résumer nos impressions générales et leur donner une conclusion précise, notre embarras serait grand. En ne s’attachant qu’à ce qui parait à la surface, en jugeant l’état de la peinture d’après l’exposition de cette année, celui de l’art dramatique d’après l’indigence de nos théâtres, l’ensemble de la littérature d’après la moyenne des livres qu’on publie, on est forcé de reconnaître que le mal l’emporte sur le bien, que la critique peut se montrer sévère sans s’exposer à être injuste. Et cependant que de talens réels, quoique gaspillés ! que de facultés éminentes auxquelles il ne faudrait qu’un plus sage emploi pour retrouver leur fécondité et leur vigueur ! Qu’on ne s’y trompe point, le malaise général tient à des causes morales plutôt qu’intellectuelles, sociales plutôt que littéraires : chez la plupart de nos célébrités hasardeuses, c’est l’homme qui compromet l’artiste. Avec plus de réserve, avec un soin plus scrupuleux de leur dignité, ceux que l’on croit aujourd’hui en décadence retrouveraient le sentiment de leurs forces et songeraient sérieusement à les appliquer à des œuvres durables. C’est là que doivent tendre désormais nos conseils. Il faut aux époques enthousiastes une critique rigoureuse, aux époques désenchantées une critique réparatrice. Il y a quinze ans, des voix mécontentes se mêlaient aux cris prématurés de triomphe, et leurs prédictions sinistres ne se sont que trop réalisées. Aujourd’hui il vaut mieux affermir ceux qui doutent et relever ceux qui chancellent. A. DE PONTMARTIN.


— Il vient de paraître chez Silvestre (rue des Bons-Enfans, 30) la première partie du catalogue de la bibliothèque de M. L***, dont la vente commencera à Paris, le 28 juin 1847. Cette première partie, qui contient les belles-lettres, se compose de plus de trois mille articles pour la plupart rares et précieux. Les bibliophiles seront étonnés des richesses que contient ce catalogue qui était annoncé depuis long-temps et impatiemment attendu, et dans lequel on remarque les premières et plus rares éditions des classiques grecs, latins, italiens et français ; des volumes imprimés par Alde sur peau vélin ou sur papier bleu ; des livres annotés par Rabelais, Montaigne, Galilée, Michel-Ange, le Tasse, etc. Ces livres sont tous dans une magnifique condition ; ils sont reliés par les plus habiles relieurs (tels que Bauzonnet-Trautz, Duru, Clarke, etc.), et plusieurs de ces volumes sont à la reliure de Grolier, de Diane de Poitiers, etc. Ceux qui s’occupent de la littérature italienne trouveront dans cette bibliothèque la collection la plus complète de livres italiens qui ait été jamais mise en vente. Ce catalogue, rempli de notes curieuses et instructives, sera lu avec intérêt par tous ceux qui aiment à ne pas séparer la bibliographie de l’histoire littéraire.



V. de Mars.