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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/593

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coupables d’avoir tourné leurs armes contre leur patrie. Quand les vaisseaux furent suffisamment chargés, les Anglais coulèrent les canots qui leur apportaient plus d’hôtes qu’ils n’en voulaient recevoir, et coupèrent à la hache les mains des malheureux qui cherchaient à s’accrocher à leurs navires. Les Espagnols, les Piémontais et les Napolitains, il faut leur rendre cette justice, aimèrent mieux se gêner à bord que de payer de cette manière l’appel qui leur avait été fait.

Le calme de l’air retenait la flotte ennemie immobile, et notre artillerie se hâtait de faire arriver son équipage de siège sur la côte. On attendait le dénoûment de l’action de la veille ; mais le vent s’éleva pendant la nuit. Le 19, la rade était déserte, et l’armée républicaine entra dans Toulon le matin. Les Anglais avaient mis, en partant, le feu à l’arsenal et aux vaisseaux qu’ils ne pouvaient pas emmener ; mais des secours prompts, dans l’administration desquels le bagne fit preuve de dévouement et de résolution, arrêtèrent le désastre. De 41 vaisseaux ou frégates qui se trouvaient dans les darses, 12 seulement furent brûlés et 8 emmenés[1].

En 1811, le fort Napoléon, qu’on aurait mieux fait d’appeler le fort Bonaparte, a été construit au sommet qu’occupaient, en 1793, les fortifications de campagne alors surnommées le Petit-Gibraltar ; les événemens de cette époque en ont surabondamment démontré l’importance, et, tant que ce fort sera dans nos mains, aucun ennemi ne se maintiendra dans la petite rade. Cependant il faut quelque chose de plus pour la mettre à couvert des entreprises des bateaux à vapeur qui pourraient en moins d’une heure incendier au mouillage et dans l’arsenal les vaisseaux en commission et les chantiers. Une attaque par mer est presque toujours inopinée, et celles des Anglais précèdent ordinairement la déclaration de guerre : pour résister aux agressions subites de la nouvelle navigation, Toulon doit donc être mis, du côté de la mer, en état permanent de défense. On verra plus loin quelles mesures sont déjà prises à cet effet.

Dans ses projets sur Toulon, Vauban a embrassé la défense de la place aussi bien que l’établissement de l’arsenal ; mais, dans l’exécution, il s’est beaucoup plus occupé du second objet que du premier. La darse, les magasins, les ateliers qu’il a construits, forment, dans la partie de la place la moins exposée aux attaques extérieures, un ensemble admirablement coordonné et susceptible de s’étendre sans rien perdre de son unité, répondant par conséquent aux besoins du présent avec la prévision de ceux de l’avenir. L’administration de nos jours n’a point compris Vauban ou s’est crue plus sage que lui ; la succursale de quinze

  1. Relation des attaques du Port de la Montagne, ci-devant Toulon, par le chef de bataillon Marescot, commandant du génie. (Dépôt des fortifications.)