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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/611

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recensement de 1805, 10,142 à celui de 1831, et 10,116, dont 4,591 dans la ville, à celui de 1846. Si ce beau pays paraît stationnaire, ce n’est pas qu’il ait atteint la limite de sa prospérité ; la population spécifique n’y est guère plus de la moitié de celle de la France[1], et, pour se mettre en équilibre avec la richesse naturelle du sol, il lui reste au moins à doubler. La vente récente de 4,000 hectares de terres communales, et par conséquent incultes, ouvre en ce moment un nouveau champ au travail ; les ronces et les broussailles vont y être remplacées par la vigne, le figuier, l’olivier, le liége. D’importantes conquêtes s’offrent à l’agriculture dans la plaine même. Ce tapis de fleurs et de verdure qui descend de la ville peut être fort agrandi. Le canal d’Hyères, dérivé du Gapeau, arrose 325 hectares avec moins de la moitié des eaux disponibles, et celles qu’on laisse perdre suffiraient pour étendre le jardin sur 3 à 400 hectares de mauvaises terres voisines de la mer… Je me trompe, car le rivage est désolé par les fièvres d’automne, et, pour le féconder, il faudrait d’abord l’assainir. D’un côté, l’isthme de Giens, bordé de deux bourrelets retroussés par les lames, comprend une lagune de 800 hectares : ce sont les Pesquiers d’Hyères ; leur profondeur est de 20 à 80 centimètres, et, s’ils n’étaient pas propriété de la commune, la moitié septentrionale serait depuis long-temps desséchée et mise en culture. Ils ne sont pas, comme on les en a quelquefois accusés, la cause principale de l’insalubrité de la côte ; celle-ci vient plutôt des petites lagunes où les eaux de la mer se mêlent aux eaux douces qui suintent des terres arrosées. Les causes et les remèdes du mal sont ici, comme aux bouches du Rhône, dans les alluvions ; seulement, le Gapeau est aussi maniable que le Rhône l’est peu. A l’ouest, les dépôts de cette rivière ont comblé l’ancien port d’Hyères, dont la place se reconnaît encore aux vestiges de ses quais, et ont formé une série de petites cuvettes, qui sont autant de foyers d’infection ; à l’est, ils ont, en moins de deux cents ans, atterri au-dessous de l’Argentière, un port naturel de 25 hectares, formé par une barre dont ils avaient d’abord fourni les matériaux[2]. Les déjections du Gapeau et de quelques ruisseaux beaucoup moindres envaseront la rade jusqu’à ce qu’une main intelligente les détourne et les recueille sur les lagunes qu’elles ont créées, et leur

  1. La commune d’Hyères, l’une des plus étendues de France, comprend 27,000 hectares ; ses habitans étant au nombre de 10,116, on y compte 37.40 habitans par kilomètre carré. La population spécifique de la France entière est par kilomètre de 67.08 ; celle du département du Var de 48.13.
  2. « … Et ayant demandé s’il y avoit bon port audit lieu, ils nous auroient assuré qu’il étoit fort bon pour toutes sortes de barques, comme étant à couvert de tous vents au moyen d’une ligne qui barre ledit port d’un bout à l’autre, où il n’y a qu’un peu d’eau, n’y ayant qu’un canal à chaque bout de ladite ligne, par où les barques puissent entrer audit port, icelle étant éloignée environ quatre cents pas du terrain, et petit avoir ledit port un mille de circonférence. » (Procès-verbal d’Henri de Séguiran.)