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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/633

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rencontre à tous momens. — Il fait déjà grand jour, nous avons dépassé le promontoire fertile de Beyrouth qui, s’avance dans la mer d’environ deux lieues, avec ses hauteurs couronnées de pins parasols et son escalier de terrasses cultivées en jardins ; l’immense vallée qui sépare deux chaînes de montagnes étend à perte de vue son double amphithéâtre, dont la teinte violette est constellée çà et là de points crayeux, qui signalent un grand nombre de villages, de couvens et de châteaux. C’est un des plus vastes panoramas du monde, un de ces lieux où l’ame s’élargit, comme pour atteindre aux proportions d’un tel spectacle. Au fond de la vallée coule le Nahr-Beyrout, rivière l’été, torrent l’hiver, qui va se jeter dans le golfe, et que nous traversâmes à l’ombre des arches d’un pont romain. Les chevaux avaient seulement de l’eau jusqu’à mi-jambe ; des tertres couverts d’épais buissons de lauriers-roses divisent le courant et couvrent partout de leur ombre le lit ordinaire de la rivière ; — deux zones de sable, indiquant la ligne extrême des inondations, détachent et font ressortir sur tout le fond de la vallée ce long ruban de verdure et de fleurs. Au-delà commencent les premières pentes de la montagne ; des grès verdis par les lichens et les mousses, des caroubiers tortus, des chênes rabougris à la feuille teintée d’un vert sombre, — des aloès et des nopals, embusqués dans les pierres, comme des nains armés menaçant l’homme à son passage, mais offrant un refuge à d’énormes lézards verts qui fuient par centaines sous les pieds des chevaux : — voilà ce qu’on rencontre en gravissant les premières hauteurs. Cependant de longues places de sable aride déchirent çà et là ce manteau de végétation sauvage. Un peu plus loin, ces landes jaunâtres se prêtent à la culture et présentent des lignes régulières d’oliviers. — Nous eûmes atteint bientôt le sommet de la première zone des hauteurs, qui, d’en bas, semble se confondre avec le massif du Sannin. Au-delà s’ouvre une vallée qui : forme un pli parallèle à celle du Nahr-Beyrouth, et qu’il faut traverser pour atteindre la seconde crête, d’où l’on en découvre une autre encore. On s’aperçoit déjà que ces villages nombreux, qui de loin semblaient s’abriter dans les flancs noirs d’une même montagne, dominent au contraire et couronnent des chaînes de hauteurs que séparent des vallées et des abîmes ; — on comprend aussi que ces lignes, garnies de châteaux et de tours, présenteraient à toute armée une série de remparts inaccessibles, si les habitans voulaient, comme autrefois, combattre réunis pour les mêmes principes d’indépendance. Malheureusement trop de peuples ont intérêt à profiter de leurs divisions.

Nous nous arrêtâmes sur le second plateau, où s’élève une église maronite bâtie dans le style byzantin. On disait la messe, et nous mîmes pied à terre devant la porte, afin d’en entendre quelque chose. L’église était pleine de monde, car c’était un dimanche, et nous ne pûmes