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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/67

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hommes, dans un certain état de civilisation, traduisent ordinairement leurs idées. Cette langue, très pauvre assurément, est, suivant toute apparence, naturelle aux hommes encore grossiers et incultes, car on la trouve en usage dans des pays fort éloignés les uns des autres, et elle sert d’organe à des religions fondées sur des croyances très variées. C’est ainsi qu’on ne peut lire les cosmogonies antiques sans être frappé des rapports qu’offrent entre eux les différens récits sur l’origine des choses, je ne dis pas quant à la substance de ces récits seulement, mais surtout quant à la manière de représenter les mêmes idées par les mêmes figures. Toutes ces religions de l’antiquité, qu’on appelle cultes de la Nature, font usage des mêmes métaphores, des mêmes allégories. Tantôt elles considèrent la Nature dans son ensemble, tantôt dans ses propriétés particulières, mais toujours elles la représentent par une suite de personnifications procédant les unes des autres, d’abord vagues, puis plus précises, et ayant une tendance de plus en plus forte à se rapprocher de l’humanité. Ces personnifications des forces naturelles deviennent bientôt des personnages avec leur apparence de réalité. Les mythographes leur donnent des rôles et des caractères, comme nos romanciers en prêtent aux héros de leur imagination. Partout les premiers hommes, fuyant les idées abstraites, s’efforcèrent d’y substituer des images à la portée de leur intelligence. Plus d’une fois on peut observer l’influence que le génie particulier des langues exerce sur l’idée qu’on attribue à ces personnifications naturelles, et le caractère d’une divinité dépend souvent du genre que son nom a dans la langue du peuple qui lui rend un culte. Là où le nom du soleil est féminin, comme dans les langues germaniques, et je crois aussi dans plusieurs idiomes de l’Asie, la personnification divine du soleil ou la divinité solaire aura quelque chose de féminin dans son caractère, et tous les récits où elle figurera auront quelque trait en rapport avec son sexe. Pour moi, je ne doute pas que le caractère de la Cérès grecque, si empreint d’amour maternel, ne tienne en grande partie à l’idée de maternité qu’éveille le nom de Demeter. Le génie particulier d’un peuple, ses mœurs, ses habitudes, le climat sous lequel il vit, contribuent encore à modifier ses légendes et à dicter le choix de ses allégories. L’action des forces naturelles, leur combinaison pour produire l’ordre du monde, le mystérieux Cosmos, s’expriment tantôt par des combats et des meurtres, tantôt par des mariages et des amours divins. N’est-il pas évident que, dans l’un et l’autre cas, les mythographes ont employé les figures les plus familières au génie de leur nation ? Mars était le grand dieu des Thraces farouches, Vénus la déesse des Cypriotes voluptueux. En résumé, quelles idées faut-il chercher dans ces légendes de dieux et de héros ? — Toutes les idées que rappelaient aux anciens ces mots de dieux et de héros : tantôt la Nature dans la confusion de ses élémens, tantôt quelques-unes