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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/706

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régulières et officielles, aux négociateurs espagnols les conditions que Napoléon avait communiquées lui-même au chanoine Escoïquitz. Plus elles étaient dures et outrageantes, moins Ferdinand et ses conseillers pouvaient croire qu’elles fussent définitives ; ils s’étaient persuadé que l’empereur leur demandait beaucoup pour obtenir moins, et qu’en montrant de la fermeté, on s’exposait tout au plus à perdre les provinces situées sur la rive gauche de l’Ébre. Seul, l’abbé Escoïquitz émit l’opinion que la résolution de l’empereur était irrévocable, et pressa son souverain d’accepter l’échange proposé, le trône d’Étrurie valant mieux encore, dit-il, que l’exil ou la prison en France. Cette fois, le chanoine ne fut point écouté : un éclair de courage brilla dans l’ame de Ferdinand ; il repoussa le honteux marché qui lui était offert, et déclara qu’il ne renoncerait à aucun des droits de sa maison. M. de Cevallos fit connaître, le 29 avril, cette détermination à M. de Champagny. En même temps, il lui annonça que le roi son maître ayant résolu de retourner en Espagne, afin de calmer les craintes de ses sujets, il désirait effectuer son départ de Bayonne ; mais, sous prétexte qu’il attendait dans cette ville Charles IV et la reine, l’empereur refusa de laisser partir Ferdinand : ce prince mesura de suite la portée de ce refus et comprit qu’il n’était plus libre. En effet, tous ses pas étaient épiés et surveillés ; la ville et les remparts étaient remplis de soldats ou d’agens de police apostés pour arrêter le prince, s’il voulait s’évader. La résistance qu’il avait opposée jusqu’ici aux volontés de l’empereur était une difficulté sur laquelle évidemment on n’avait pas compté. Napoléon ne savait plus comment sortir du défilé dans lequel il s’était engagé. Employer la violence, menacer le prince, le réduire par la terreur lui répugnait ; le laisser libre de retourner en Espagne, c’était la guerre, et il n’avait depuis un an imaginé tant de combinaisons fallacieuses que pour l’éviter. Son embarras était extrême ; heureusement pour lui, les vieux souverains lui vinrent en aide.

Conformément à ses ordres secrets, Murat avait déclaré, le 16 avril, à la junte suprême, que l’abdication de Charles IV ayant été forcée, ce prince avait protesté, qu’il avait écrit à l’empereur, qu’il lui avait demandé sa protection, et qu’en conséquence sa majesté impériale avait décidé qu’elle ne reconnaîtrait d’autre roi que Charles IV.

M. de Beauharnais venait d’être rappelé et remplacé dans son poste d’ambassadeur par M. de Laforest, le même qui avait dirigé avec un si remarquable talent l’épineuse opération du partage des indemnités germaniques, et rempli plus tard avec non moins de distinction le poste de ministre à Berlin. L’empereur, en plaçant un homme d’autant de sagesse et de lumière auprès du bouillant Murat, avait voulu donner à ce prince un guide et comme un mentor. La junte suprême attendit, pour obéir aux injonctions du grand-duc de Berg, que le nouvel ambassadeur se fût expliqué. M. de Laforest ne laissa pas long-temps les esprits