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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/761

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empreinte d’une mélancolie sereine qui touche. Enfin une chaleureuse allocution de Christophe Colomb à ses compagnons indociles termine la symphonie.

L’ode-symphonie de Christophe Colomb est très inférieure à celle du Désert, dont elle n’a pas le charme et l’unité piquante ; elle en reproduit les meilleures inspirations sans les rajeunir par des formes nouvelles et plus savantes. On y trouve les mêmes qualités amoindries par leur dispersion dans un cadre trop vaste pour les forces de l’auteur ; on y trouve aussi la même impuissance à peindre l’énergie des passions dramatiques. Les idées musicales de M. F. David ne sont ni grandes, ni très nombreuses, ni variées. La grace continuelle et un peu mignarde de ses mélodies finit à la longue par vous affadir le cœur, et sa rêverie, par trop prolongée, se change en un demi-sommeil qui alourdit la paupière et l’esprit. M. F. David n’est pas un grand compositeur, c’est un musicien agréable, une nature heureusement douée, qui, en fouillant, un beau jour, dans les souvenirs intimes de sa vie inquiète, a trouvé, comme certaines femmes du monde élégant, les élémens d’une histoire intéressante, d’un joli roman qu’il a raconté au public avec un charme infini et un vrai talent. Mais en fera-t-il deux ?

Que faut-il conclure maintenant des efforts honorables de M. Onslow et de M. Reber, ainsi que des tentatives plus ambitieuses de M. Berlioz et de M. F. David ? que nous ne possédons pas encore une œuvre symphonique digne d’être opposée aux chefs-d’œuvre de l’école allemande ; mais que les progrès de l’éducation musicale, notre goût moins timoré, notre sensibilité plus exquise, nous disposent à bien accueillir le premier grand artiste qui saura féconder de son génie cette forme admirable de la musique instrumentale. Quant à l’ode-symphonie, ce composé étrange de mille élémens divers qui se succèdent sans se fondre dans un tout harmonieux, où le récit épique coudoie incessamment le drame sans jamais le pénétrer, c’est une forme bâtarde qui ne prendra jamais rang dans la poétique de l’art. La musique imitative, que ce genre faux tend à développer outre-mesure, doit rester le simple accessoire de l’action dramatique. Avez-vous de la tendresse et de la gaieté, faites des opéras-comiques comme Hérold et M. Auber. Vous sentez-vous entraîné vers la grandeur lyrique et la passion, écrivez des tragédies comme Guillaume Tell ou Robert-le-Diable, aimez-vous mieux la musique purement instrumentale, composez des sonates, quatuors, des quintetti, des symphonies comme Haydn, Mozart, Beethoven, et même comme M. Mendelsshon, le digne élève de ces grands maîtres. La France vous écoute, car son éducation est faite ; mais la symphonie dramatique, où Beethoven n’a pu réussir, doit disparaître comme un compromis inutile devant la liberté conquise.




P. S.