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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/800

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qui n’avait plus de communication avec la mer[1]. Cet étang est devenu plus tard un marais pestilentiel, et, pour dernière transformation, il a été desséché et mis en culture. Il ne reste aujourd’hui du port où Auguste envoyait les deux cents galères prises sur Antoine à la bataille d’Actium, que des murs de quai dont l’ampleur et la solidité égalent celles des plus grandes constructions de Rome, et des bornes d’amarrage sillonnées par les grelins qui les ont jadis embrassées ; la ville est séparée par une plage de 1,600 mètres de largeur des flots qui baignaient autrefois ses murailles, et la haie, qui s’enfonçait à l’ouest, n’est plus qu’une plaine parsemée de nombreuses lagunes.

Ces circonstances fâcheuses ont dès long-temps comprimé l’essor de l’agriculture et de l’industrie dans le pays auquel le port de Fréjus servait de débouché ; mais elles ne lui ont rien ôté de sa richesse naturelle, elles n’ont pas diminué son besoin d’expansion. Ce besoin s’est même singulièrement accru, depuis quelques années, sous l’influence des soins intelligens apportés, dans le département du Var, à l’amélioration des communications ; il éclate aujourd’hui dans le rapide accroissement du mouvement de la crique de Saint-Raphaël, qui, pourvue d’une hauteur d’eau suffisante et voisine de Fréjus, fait, tant bien que mal, le service maritime dont cette ville est déshéritée.

Les perceptions des douanes, qui sont assurément la mesure la moins inexacte possible du mouvement commercial d’un port, étaient, en 1839, à Saint-Raphaël, de 5,823 fr., et cette somme était à peu près la moyenne des produits ordinaires. Le même poste a rendu :

francs
En 1840
27,381
1841
32,585
1842
34,476
1843
117,102
1844
134,799
1845
83,133
1846
89,142

On reconnaît à de pareils signes un pays qui se réveille, et lorsque, du haut des collines dont Fréjus occupe le pied, on promène au loin ses regards sur les plaines qui se déroulent à l’ouest, on s’étonne bien moins de la vivacité que du retard de ce réveil. L’activité d’un port se règle, en effet, sur la richesse agricole, minérale ou manufacturière du pays qu’il dessert, et la mer qui baigne la partie la plus féconde et la mieux percée du département du Var ne pouvait pas rester toujours déserte.

Le mouvement énergique qui se fait sentir à Saint-Raphaël est un avertissement auquel l’administration ne saurait rester sourde. Il ne

  1. Portulan de la Méditerranée, par M. De Barras de la Pène (B. R. Mss. 1704).