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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/823

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apporterait même un contingent assez considérable de menues denrées sur le marché de Toulon, et des bois aux chantiers de construction de la côte.

Celle de Toulon à Manosque serait d’une tout autre importance ; elle réduirait de 25 kilomètres sur 108, c’est-à-dire d’une marche sur quatre, la distance entre ces deux villes, qui ne communiquent aujourd’hui que par Aix ; elle couperait la ligne d’opérations d’un ennemi qui marcherait sur Toulon, sur Aix ou sur Marseille, et l’obligerait à diviser ses forces. Considérée sous un autre point de vue, elle fortifierait l’impulsion que reçoit aujourd’hui l’agriculture dans la vallée de la Durance, et qui vient de déterminer l’achèvement du canal d’arrosage de la Brillanne à Corbières ; elle ouvrirait des sources nouvelles à l’approvisionnement si mal assuré de Toulon. Le pays qu’elle traverserait ne le cède à aucune autre partie de la Provence pour la qualité des céréales, et les blés qui en proviennent sont les plus propres de France à la fabrication des farines d’armement[1]. Le percement de la route déterminerait sur cette direction un mouvement analogue à celui qui s’opère autour des minoteries de Marseille, qui affectent à leurs expéditions lointaines les blés fins des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse, et les remplacent dans la consommation intérieure par des blés exotiques d’une moindre valeur ; la marine a double profit à la multiplication de ces échanges.

Il ne reste plus rien à dire sur le concours qui s’établira entre l’activité de la navigation et celle de la circulation desservie par les chemins de fer ; elles croîtront l’une par l’autre. Hâtons-nous cependant de les mettre en contact, et, si nous ne voulons pas être devancés, mettons la main à l’œuvre. Le port de Marseille a, dans ceux de Gênes et de Trieste, des concurrens qu’il serait imprudent de dédaigner. L’Autriche presse la construction du chemin de fer de Vienne à Trieste, par lequel elle espère s’emparer de tout le commerce de l’Europe centrale avec la Méditerranée. Le roi de Sardaigne, dans la bonne administration duquel nous devrions plus souvent chercher des exemples, entreprend le chemin de Gênes à Alexandrie et à Pavie[2]. Il exécutera ce travail sur les fonds de l’état sans recourir à l’emprunt, sans rien ajouter aux contributions de son pays. Les études du prolongement de ce chemin au travers des Alpes Lépontines sont achevées ; elles démontrent la possibilité de s’élever sur des rails jusqu’au sommet de ces gigantesques

  1. On sait que les farines fabriquées avec des blés de qualité inférieure se conservent mal à la mer, et ne supportent pas la température des régions équinoxiales.
  2. Progetto di via a regoli di ferro da Genova ad Alessandria ed a Pavia compilato da J. PORRO, maggiore negl’ ingegneri militari, all’ indicazioni delle varianti proposte d’all’ ingegnere J.-K. BRUNEL, in sequito a visita praticata sella faccia de’ luoghi nel’ aprile 1843. Torino, 1843.