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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/849

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le système prohibitif appliqué aux colonies le meilleur moyen de développer sa marine marchande. D’un autre côté, le nombre fort réduit, la production limitée des colonies intertropicales, pouvaient faire craindre aux métropoles de se voir privées, par la libre exportation, de denrées dont elles n’auraient pu se pourvoir ailleurs. Aujourd’hui, les mêmes raisons ne sauraient justifier un régime contre lequel protestent hautement les leçons de l’expérience. Il existe des colonies où le système restrictif a depuis long-temps cessé d’être appliqué ; ces colonies, autrefois sans importance, ont acquis en quelques années une prospérité telles qu’elles peuvent consacrer l’excédant de leurs finances à secourir leur métropole et se montrent en tout supérieures à elle. Un tel fait nous a paru mériter l’attention de la France : il y a là pour elle de précieux enseignemens à recueillir, une situation curieuse à étudier, un exemple à suivre peut-être. Qu’on ne se figure pas d’ailleurs que l’initiative en cette grave matière soit partie de la Hollande ou de l’Angleterre, qu’on ne s’attende pas non plus à trouver dans l’exemple que nous allons citer une application raisonnée des principes du libre change. Non, le mot même n’était pas encore inventé chez nous que la chose était depuis long-temps au-delà des mers en pleine voie d’exécution. En 1818, une colonie reçut de sa métropole le droit d’exporter ses produits partout où bon lui semblerait et d’ouvrir ses ports aux étrangers. Cette colonie était l’île de Cuba, et le gouvernement qui faisait le premier cette concession était le gouvernement espagnol.

Ce fait est-il passé inaperçu au milieu de la multitude des événemens qui marquent la première moitié du XIXe siècle, ou n’a-t-on pas jugé qu’il ait en des conséquences assez remarquables ? Nous ne saurions le dire ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’en a jamais été parlé. La France, on ne le sait que trop, est volontiers indifférente à ce qui se passe un peu loin d’elle. A moins qu’un engouement passager ne nous porte à imiter un peuple voisin, c’est de nous seuls que nous prenons d’ordinaire exemple et conseil. Bien des choses nous échappent ainsi que nous aurions intérêt à connaître, et, dans la question qui nous occupe surtout, cette indifférence a déjà eu, elle peut avoir encore des suites funestes. Combien de fois en effet nos lois coloniales n’ont-elles pas été modifiées sans succès depuis un demi-siècle ! combien de fois en effet nos lois coloniales n’ont-elles pas été modifiées sans succès depuis un demi-siècle ! combien de fois n’avons-nous pas manié et remanié vainement ce code vermoulu des colonies, si peu digne d’un peuple libre, et par les principes odieux qu’il consacre, et par les sentimens qui l’ont maintenu, malgré nos mœurs et nos lumières ! Sans doute les sages mesures et les fautes de la politique espagnole à l’égard de l’île de Cuba eussent heureusement servi nos législateurs ; guidé par ce précédent, instruit par ces leçons, il n’y a pas à douter que notre gouvernement n’eût fait pour le moins aussi bien que le gouvernement despotique de Ferdinand VII.