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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/925

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coterie. Que la domination s’exerce au nom du ciel ou de la terre, que ce soit par une congrégation religieuse, par une faction politique ou par une coalition d’intérêts manufacturiers, le péril est le même, et il est immense : une pareille tentative d’asservir le gouvernement lui-même, libre émanation de la volonté nationale, heurte le sens public et soulève des orages. Dans les circonstances actuelles, c’est un fait monstrueux. Quoi ! nous aurions, depuis soixante ans, bouleversé le royaume de France, l’Europe, le monde ; nous aurions accompli deux révolutions, dont l’une au moins a été un travail d’Hercule, afin de faire triompher la liberté et l’égalité, et de nous placer à jamais au-dessus des atteintes du privilège et du monopole ; dans cette gigantesque entreprise, nous aurions dépensé ou fait dépenser à l’Europe un capital de 50 milliards, fait périr sur les champs de bataille trois millions d’hommes, et le résultat final de tant de labeurs, de tant de sacrifices, serait qu’une disette étant survenue, le gouvernement de notre pays, rempli de sollicitude pour les populations souffrantes, aurait été empêché de suivre son penchant et d’imiter les gouvernemens voisins, parce qu’une coalition égoïste d’intérêts privés ne l’aurait pas permis, et il aurait rendu son épée aux coalisés sans combat ! Cela ne saurait être ; ce sont de ces choses auxquelles on ne croit que lorsqu’on les a vues s’accomplir. Espérons-le, nous ne sommes pas destinés à assister à un pareil spectacle. Le gouvernement, avant que tout soit consommé, prendra une attitude et un langage dignes de lui. C’est indispensable non-seulement pour l’affermissement du cabinet, mais aussi pour l’honneur de la France elle-même.


MICHEL CHEVALIER.