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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/974

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sous ce défaut gracieux, de bien sincères promesses ? Cependant, en dehors des écoles, plus d’un nom glorieux avait déjà établi sa renommée. Lamartine prodiguait négligemment les richesses de son ame, et jamais le spiritualisme n’avait revêtu une forme plus belle, jamais les symphonies célestes n’avaient été traduites dans une langue plus harmonieuse et plus puissante. Il était aussi bien étranger aux querelles des écoles, ce poète si original et si ferme, qui résumait avec un art accompli toute la vieille tradition gauloise, ce chansonnier immortel qui rajeunissait, qui aiguisait, dans une multitude de petits chefs-d’œuvre, l’impérissable esprit des ancêtres, et, sans perdre de vue ce domaine si vrai et si français dont il est le maître, savait d’un seul élan rejoindre les poètes modernes aux plus hautes cimes de l’inspiration, dans le ciel du Dieu des bonnes gens.

Quand la révolution de juillet éclata, une ardeur nouvelle fut imprimée aux intelligences. Si les élégans loisirs de maintes retraites aimables en furent troublés, le mouvement général y gagna. L’ingénieux historien du cénacle signalait lui-même, en octobre 1830, le rôle imprévu, la mission plus forte, plus sérieuse, qui appartenait désormais aux artistes et aux poètes, aux studieux rêveurs de la veille. Il ne se trompait pas : les esprits grandissaient ; il y avait dans la poésie une vigueur plus décidée, et l’on eût dit que la virilité du siècle allait commencer. M. Victor Hugo publiait les Feuilles d’automne, M. de Vigny écrivait Stello, et M. Sainte-Beuve venait de donner les Consolations. Les mâles accens de M. Auguste Barbier attestaient, avec un singulier éclat, cette virilité hardie de la muse moderne. C’était aussi le moment où l’auteur des Consolations reprenait, avec une autorité croissante, son office de critique, c’est-à-dire d’auxiliaire et de guide intelligent. Sous la bienveillance empressée de ses paroles, sous cette sympathie si prompte, si indulgente, qui lui a été reprochée bien à tort, il était facile de voir l’ardent désir d’organiser le groupe des poètes, de les mettre en lumière, de les provoquer aussi, de hâter enfin l’heure triomphale où cette littérature contemporaine s’avancerait, sans contestation, avec tous ses rangs garnis et toutes ses enseignes déployées. C’est ainsi qu’il allait de l’un à l’autre, de Béranger à Lamartine, de M. Victor Hugo à M. de Vigny ; c’est ainsi qu’il analysait tour à tour, avec le même empressement, avec la même ouverture de cœur, Obermann et Notre-Dame de Paris, la grace si pure de Marie et les éblouissantes audaces de Namouna. Tandis que M. Sainte-Beuve ralliait de la sorte le groupe des poètes aimés, M. Gustave Planche discutait les œuvres nouvelles avec cette décision vigoureuse, avec cette sûreté inflexible, qui ne sont pas un médiocre secours dans l’organisation d’une littérature sérieuse. Je m’assure que le plus grand honneur de cette école est d’avoir mérité et soutenu une telle discussion. Il importait