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ébranlé parce qu’il n’avait pas consenti à la prise en considération, soit de la proposition de M. Duvergier de Hauranne sur la réforme électorale, soit de la réforme parlementaire de M. de Rémusat, soit enfin parce qu’il n’avait pas voulu la taxe unique pour les lettres, ou parce qu’il s’était refusé à un dégrèvement de l’impôt du sel : c’est là une erreur. Au moment où ces propositions ont été soumises au parlement, il n’y avait pas sur toutes ces questions d’autres résolutions à prendre que celles adoptées par le gouvernement. Peut-être y avait-il une autre conduite à tenir.

Parlons d’abord des réformes politiques. On ne nous soupçonnera d’aucun engouement pour les combinaisons électorales de M. Duvergier. Nous ne sommes pas de ceux qui croient qu’après dix-sept ans, période longue peut-être dans la vie humaine, mais si courte dans la durée d’un gouvernement nouveau, le moment fût venu de reprendre en sous-œuvre les bases mêmes de l’édifice constitutionnel sous prétexte de les élargir, et de tout ébranler dans l’espérance de tout raffermir. C’était bien pourtant le droit de l’opposition de faire discuter ses plans de réformes. Pourquoi la gêner dans l’exercice de ce droit ? Il y avait quelque avantage pour le cabinet à faire ressortir aux yeux de la majorité nouvelle l’insignifiance probable et les inconvéniens certains de ces inventions trompeuses que les minorités regardent bien gratuitement, à notre avis, comme des remèdes destinés à les guérir de leur défaillance politique. Le ministère a donc eu tort, suivant nous, de s’opposer dans les bureaux à la lecture de cette proposition ; mais, ce parti pris, encore fallait-il se mettre en mesure de le faire réussir, et, pour cela, se donner la peine de se concerter avec ses amis. Il n’en a rien fait ; aussi qu’est-il arrivé ? Le ministère, qui disposait de plus de cent voix de majorité, a été battu sur le premier vote politique un peu important qui suivit les débats de l’adresse ; c’était jouer de malheur.

Même inaction, peu de jours après, au sujet du choix d’un vice-président. Entre des candidats également honorables, le ministère crut prudent de rester neutre. Ce n’était pas là, disait-il, une affaire de gouvernement, mais de chambre ; c’était à la majorité de prendre un parti. La majorité, laissée à elle-même, a pris le parti d’élire un vice-président de l’opposition. Quel échec !

La proposition de M. de Rémusat, relative à l’exclusion de certains fonctionnaires publics, a été vivement combattue par les membres les plus considérables du cabinet : c’était leur devoir le plus strict de la repousser en principe, et ils ont eu mille fois raison de faire ressortir avant tout les motifs d’inopportunité qui, au début d’une législature nouvelle, en rendaient l’acceptation impossible ; mais, à aller au fond des choses, les ministres devaient parfaitement savoir à quelles causes il fallait attribuer la faveur croissante que cette mesure rencontrait