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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/1073

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Comme on le voit, il y avait encore là une part pour les propriétaires et une part pour le peuple. Voici comment devaient être réglées les avances faites par l’état aux landlords. Tout propriétaire voulant introduire des améliorations dans ses terres pouvait recevoir un prêt en argent remboursable dans l’espace de vingt-deux ans, et portant intérêt à 3 et demi pour 100 ; il pouvait aussi, en payant l’intérêt à 6 et demi pour 100 pendant ces vingt-deux ans, amortir sa dette.

Le gouvernement- proposait aussi de consacrer une somme de 25 millions de francs à l’achat par l’état des terres en friche. Il avait été cal culé qu’il y avait en Irlande environ 4,600,000 acres de terre non cultivée ou dans une culture imparfaite, les propriétaires n’ayant pas le capital nécessaire pour les exploiter et les faire valoir. Le possesseur nominal de la terre aurait le droit d’emprunter à l’état de l’argent pour faire valoir lui-même ; mais, s’il n’usait point de cette faculté, et s’il laissait la terre en friche ou au-dessous d’une certaine valeur, alors l’état aurait le droit de l’exproprier et de le déposséder,-moyennant une certaine indemnité, d’une valeur qu’il laissait dormir, et qui était ainsi perdue pour la communauté. Ces terres, devenues propriétés de l’état, devaient ensuite être soit vendues, soit affermées en lots plus ou moins considérables, et amener ainsi la création d’une classe nouvelle de propriétaires.

Un projet de loi devait être aussi présenté pour faciliter la vente des terres hypothéquées. Cette partie du plan ministériel touchait à une des plaies les plus vives de l’Irlande. Il n’y a pas de pays au monde où la propriété soit livrée à autant de désordre et d’anarchie. En Angleterre et en Écosse, le propriétaire titulaire est aussi propriétaire réel ; les rapports sont directs entre lui et ses tenanciers. En Irlande, il y a toujours trois ou quatre propriétaires. Il y a celui qui a le titre, et qui presque toujours n’a pas autre chose. Au-dessous de lui, il y en a un autre qui tient les hypothèques et à qui appartient la plus grande partie du revenu ; celui-là a au-dessous de lui un middleman, c’est-à-dire un agent intermédiaire qui lui paie une certaine rente au prix de laquelle il gère, administre, afferme la terre à une multitude de petits fermiers qui se font une concurrence effrénée, et desquels il extorque le plus de rente possible. Ces biens étant substitués, le propriétaire ne peut les vendre, et les familles se transmettent ainsi d’âge en âge un héritage inextricable de dettes et de désordre. Dans un pareil état de choses, il était souvent impossible d’arriver jusqu’au véritable propriétaire, et l’établissement d’une loi des pauvres devenait, en particulier, à peu près impraticable. Quand la détresse publique effrayait le monde de ses scandales, quand les indigens restaient abandonnés à la grace de Dieu dans les campagnes, et quand on voulait remonter jusqu’au propriétaire responsable qui était tenu de contribuer aux charges de la