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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/1138

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tion flamande. L’agitation unioniste, qui était déjà exploitée par le parti catholique, quand il était au pouvoir, lui serait bien plus utile encore dans l’opposition. M. Rogier doit y prendre garde : quand tous les vaisseaux du Zollverein circuleraient dans le port d’Anvers, quand Anvers se relierait au Rhin par une navigation plus active sur l’Escaut, il aurait beaucoup fait pour la Prusse, mais très peu pour le pays wallon, et rien pour les Flandres. Nous espérons que le nouveau cabinet belge trouvera pour se défendre contre les instances des partisans de l’union douanière avec la France un meilleur argument que l’union prussienne.


HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE HINDOUI ET HINDOUSTANI, par M. Garcin de Tassy, membre de l’Institut[1]. — Bien que dirigées par des hommes éminens, par des esprits d’élite, les études orientales exercent une bien faible attraction, il faut l’avouer, sur notre jeunesse distraite et ambitieuse ; le maître reste, mais l’élève devient de plus en plus rare. Ces études cependant marchent toujours, étant de celles qui n’ont pas besoin pour s’alimenter de la faveur du public. Depuis le Bosphore jusqu’au golfe de Tartane, elles s’avancent, soulevant le voile qui pèse sur les siècles passés, exhumant les débris des cultes anciens, cueillant à travers les écrits des nations primitives les fleurs d’une littérature à demi sauvage et colossale dans ses productions. Chemin faisant, elles ramènent à l’unité les nations dispersées, simplifient les langues que les siècles ont divisées et rendues méconnaissables, déchiffrent enfin sur des bas-reliefs ensevelis depuis vingt siècles, autour de ces personnages mystérieux tout empreints du caractère de la puissance et de la domination, les grands noms de Sésostris, d’Alexandre et de Darius. Ce sont là des travaux qui seront appréciés un jour, il faut l’espérer ; la monographie d’un peuple ou d’une littérature vaut peut-être celle d’une plante ou d’un insecte. Toutes les langues de l’Orient, il est vrai, ne conduisent pas aux découvertes : les unes sont parfaitement homogènes ; aucun élément étranger ne se mêle à leurs radicaux, et, sans avoir rien reçu des idiomes voisins, elles leur ont au contraire tout donné ; les autres, moins pures, ont puisé à des sources diverses, souvent même opposées. La lutte de deux religions sur un même sol a produit ces langages hybrides que le temps a consacrés. C’est, à vrai dire, l’histoire de nos langues du midi de l’Europe, païennes à leur origine et renouvelées par l’influence du christianisme, auquel elles doivent les premiers monumens de leur littérature. Ce qui se passa en Europe après la chute de l’empire romain se produisit aussi dans l’Inde, quand les provinces se dégagèrent, vers le Xe siècle, de l’obéissance à un roi suprême. Dans des principautés indépendantes, il se forma des dialectes ; l’unité brahmanique ébranlée donna naissance à des sectes qui fixèrent ces patois et les élevèrent au rang d’idiomes en les choisissant pour expression de leurs croyances ; puis vint l’islamisme, qui apporta dans ces

  1. Un gros volume in-8o, chez Benjamin Duprat, 7, rue du Cloître-Saint-Benoît.