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lord Palmerston avait cru entrevoir, dans une question minime en soi, mais de nature à mettre en jeu les amours-propres, qui ne raisonnent pas, un moyen de renverser avec éclat le ministère présidé par M. Coletti, et de ramener, dans des proportions secondaires, il est vrai, un accord des grandes puissances sur un point où il a plu à l’Angleterre, sans que ses intérêts lui rendent nécessaire une semblable attitude, de se mettre en lutte ouverte avec la France. Des souvenirs sans application possible ont, dans cette circonstance, égaré l’humeur pétulante du ministre de 1840 ; la Russie n’a pas voulu le suivre sur un terrain qu’elle connaît trop bien pour l’agiter à la légère, et l’Autriche et la Prusse n’ont pas hésité à joindre leurs efforts à ceux de la France pour retenir dans ses limites purement diplomatiques un démêlé d’étiquette. Dans ce démêlé, il faut le reconnaître, le caractère officiel de l’envoyé du sultan avait reçu une atteinte ; le gouvernement grec se déclare prêt à la réparer, mais du moins il n’agira pas sous le coup d’un ultimatum menaçant, il ne s’exécutera pas dans un délai de trois jours, la dignité du trône ne sera pas compromise par une démarche faite au nom du roi. M. Mussurus, invité à revenir à Athènes, y recevra simplement l’assurance d’un accueil bienveillant, de l’accueil dû au représentant d’une puissance voisine et amie. De son côté, la Porte, prenant en considération les faits qui se sont passés, annonce l’intention de donner promptement un successeur à son ministre, dont la situation serait difficilement compatible avec des souvenirs que des regrets n’effaceraient jamais complètement. À notre avis même, et ce conseil sera certainement donné par les amis sincères de la Turquie, il serait plus digne et en même temps plus habile de la part du divan de décider le sultan à se contenter de l’offre qui lui est faite de recevoir à Athènes M. Mussurus. Cette démarche du cabinet grec sauvegarde les principes diplomatiques ; elle était nécessaire, mais nous ne pouvons voir, dans la présence momentanée à la cour du roi Othon d’une personne impliquée en grande partie par sa faute dans un débat fâcheux, qu’une satisfaction superflue et moins faite que la générosité pour rétablir sur un pied solide des relations interrompues. Nous ne quitterons pas ce sujet sans dire que depuis cinq mois, dans des circonstances souvent délicates, nos agens à Constantinople et à Athènes n’ont cessé de faire entendre le langage le plus sensé et le plus net, et que leur fermeté n’a pas peu contribué à préparer la solution d’une difficulté que des passions étrangères voulaient grossir pour la tourner ensuite contre nous.

Les nouvelles intérieures de la Grèce sont aussi fort satisfaisantes. Les opérations électorales doivent être commencées partout, et personne ne met en doute le triomphe du ministère. À ce propos, nous dirons que, si nous avons en Grèce des sympathies, nous n’y avons aucune antipathie, et nous regrettons qu’entraînés dans une voie mauvaise, des hommes qui auraient pu rendre encore d’utiles services à leur pays se soient eux-mêmes condamnés à l’impuissance et à la défaite.

La vigueur des autorités locales a purgé l’Acarnanie de quelques chefs de brigands, pour la plupart étrangers au pays, et venus, les uns de la Turquie, les autres des îles Ioniennes. L’Acarnanie, du reste, est le seul point de la Grèce où la tranquillité ne soit pas aussi parfaite que dans les autres provinces ; la configuration du sol, d’anciennes habitudes guerrières, le voisinage de la frontière turque et celui de Zante et de Céphalonie, que lord Palmerston devrait moins