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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/198

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tière qui les séparait a été supprimée. La Toscane prend à sa charge, moyennant une certaine somme, la garde, le service et l’exploitation des douanes extérieures du duché de Lucques, et la ferme des objets de monopole, le sel, le tabac, les cartes à jouer et la loterie. La jonction de Lucques à Pise par un chemin de fer a produit l’union douanière des deux pays : les mêmes causes amèneront sur d’autres points les mêmes effets ; mais avant que les duchés de Parme et de Modène, reliés à la Toscane par la prolongation du chemin de fer de Pistoja, et les états romains par celui de Sienne, voient tomber les barrières de douanes qui les séparent, l’établissement d’un tarif uniforme qui fera cesser la contrebande, l’ouverture de routes plus directes, les communications plus multipliées, peuvent réaliser un résultat immédiat et fournir un exemple utile à suivre au reste de la péninsule.



REVUE LITTÉRAIRE
LE THÉÂTRE ET LES LIVRES

Dans la littérature comme dans la vie, chacun, en regardant autour de soi, peut aisément reconnaître trois générations, trois groupes distincts : les hommes qui ont commencé à penser et à agir avant que les idées qui dominent fussent développées ou pressenties ; ceux qui, arrivés au moment où ces idées se faisaient jour, en ont été les interprètes ; ceux enfin qui, venus plus tard, hésitent à se joindre aux groupes déjà formés. Le monde de la pensée a donc ses vieillards, comme il a ses adultes et ses enfans, et même, grace à un penchant qui tient aux plus secrètes vanités du cœur, les deux générations extrêmes tendent souvent à se rapprocher l’une de l’autre, plutôt que de s’associer à celle qui représente la virilité du talent. S’il arrive, en outre, que celle-ci se laisse égarer ou amoindrir, si l’inaction de quelques-uns et les excès de plusieurs amènent une lacune et déconcertent les premières espérances, cette lacune est ordinairement remplie par la vieillesse et l’enfance. Pourquoi les salons sont-ils si tristes et le monde si ennuyeux ? disait récemment une femme d’esprit ; c’est qu’on n’y rencontre que des hommes de dix-huit ans ou de soixante. Il en est de même au théâtre. Les pièces qu’on y joue depuis quelque temps sont tantôt juvéniles sans être originales, tantôt surannées sans être sérieuses, et portent l’empreinte de la caducité ou de l’inexpérience.

Parmi les inconvéniens de cette situation, il en est un d’un effet plus général et que je dois signaler : c’est que, peu à peu, le théâtre perd tout son intérêt : pour les hommes dont les avertissemens ou les éloges peuvent avoir quelque influence sur notre avenir dramatique. Autrefois il y avait là une source féconde de curiosité, non-seulement pour les lettrés, mais même pour l’élite des gens du monde, pour ceux qui, aimant à cultiver leur esprit sans rechercher l’occasion de le produire, apportent dans les discussions d’art la sincérité de leurs impressions et la délicatesse de leur goût. C’est ainsi que s’exerçait cet enseignement mutuel, cet échange de leçons ingénieuses et de spirituel patronage qui