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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/205

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recevoir et d’avilissement à les donner ; qu’ils se retrempent dans le monde, dans la société, dans la vie réelle, dans les conseils sincères de leurs vrais amis, et ils seront bien vite relevés de cette déchéance passagère. Pour atteindre ce but désirable, deux choses seraient nécessaires : il faudrait que le talent sût entendre la vérité et que la critique sût la dire.


— L’histoire d’Espagne a été de notre temps étudiée avec une ardeur presque égale en-deçà comme au-delà des Pyrénées. Aujourd’hui encore des écrivains distingués, des esprits sérieux s’appliquent en Espagne et en France à éclairer les parties encore obscures de ce vaste sujet. Parmi ces écrivains, on ne sera pas surpris de rencontrer un de nos plus énergiques conteurs, qui n’a jamais demandé en vain ses inspirations à l’Espagne : nous avons nommé M. Prosper Mérimée. L’histoire de Pierre-le-Cruel l’occupe en ce moment, et M. Mérimée trouvera assurément dans cette page si dramatique des annales espagnoles un digne pendant à ses travaux sur la guerre sociale et sur Catilina. L’auteur de Colomba unit d’ailleurs une conscience bien rare au talent de l’historien. Déjà il avait presque terminé cette étude sur Pierre-le-Cruel, quand il a voulu la compléter par des documens recueillis en Espagne même, et de nouvelles recherches l’ont amené à refondre presque entièrement son travail. C’est à Barcelone surtout que M. Mérimée a été heureusement secondé, et que, grace à l’obligeance de don Prospero de Bofarrull, archiviste général de la couronne d’Aragon, il a pu étudier toutes les faces de son sujet, entouré des documens les plus précieux. On aime, en signalant ce concours prêté par un savant espagnol à un écrivain français, à ajouter que M. de Bofarrull vient d’être nommé chevalier de la légion d’honneur, sur la proposition de M. le ministre de l’instruction publique. L’archiviste d’Aragon est auteur d’une Histoire des comtes de Barcelone, ouvrage aussi remarquable par l’étendue des recherches que par l’excellente critique apportée dans l’examen et la discussion des documens. On doit encore à M. de Bofarrull le classement admirable des archives de Barcelone ; tous ceux qui ont visité ce vaste établissement ont pu apprécier l’ordre parfait établi par le conservateur, son exquise politesse, et la bienveillance avec laquelle il met son immense érudition au service de toutes les personnes, studieuses. Si la France arrive à mieux connaître, à mieux apprécier le glorieux passé de l’Espagne, ce sera grace à ces bonnes relations établies entre les écrivains et les savans des deux pays, relations déjà fécondes, et qui deviendront, il faut l’espérer, de plus en plus étroites.


— A côté des fugitives productions que multiplie la presse quotidienne, on voudrait pouvoir signaler moins rarement des livres qui n’aient pas été écrits en vue d’un public éphémère et que l’improvisation n’ait pas marqués de sa fâcheuse empreinte. Parmi ces livres qui, on ne peut le nier, nous ont toujours trouvés empressés à les distinguer, à les apprécier, souvent même à les accueillir, nous pouvons ranger trois publications récentes. Dans les Guerres maritimes de la révolution et de l’empire, de M. Jurien de Lagravière[1], nos lecteurs savent quel intérêt des connaissances spéciales et un remarquable talent de

  1. Deux volumes in-18, chez Charpentier, 17, rue de Lille.