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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/237

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de Champollion, que certains regardaient avec quelque inquiétude, montrèrent surabondamment que ce zodiaque, dans lequel on voulait voir la représentation du ciel tel qu’il était plusieurs milliers d’années avant l’ère biblique de la création, avait été tracé sous Néron. Un épisode assez piquant de cette contestation n’a été mis en lumière que tout récemment par une révélation posthume.

A côté du zodiaque circulaire est une grande figure de la déesse Ciel, encore en place. Au pied de cette figure, on voit deux cartouches qui, ainsi que beaucoup d’autres, je ne sais pour quelle raison, sont restés vides. Ce vide déplut apparemment aux dessinateurs de l’expédition d’Égypte ; ils jugèrent à propos de le remplir par des hiéroglyphes de leur choix. Ce qu’il y eut de plaisant, c’est que, dans leur ignorance absolue du sens des signes qu’ils dessinaient, ils choisirent pour placer dans le cartouche vide un groupe d’hiéroglyphes qui exprime le mot grec autocrator (empereur), et qui eût été, s’il se fût trouvé là, la réfutation la plus complète de l’antiquité fabuleuse attribuée au monument. On ne saurait être mieux puni d’une infidélité de copie et se fustiger plus comiquement soi-même à son insu. Champollion reconnut que les cartouches en question étaient vides, et s’amusa beaucoup de la malencontreuse addition d’un mot grec faite à ce monument par ceux qui trouvaient absurde qu’on le crût postérieur à l’établissement des Grecs en Égypte ; mais alors Champollion n’était pas de l’Institut. L’ancienne expédition avait, dans le sein de l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres, des représentans respectables, qui n’auraient peut-être pas trouvé très bon qu’on relevât le blunder de leurs collaborateurs, et la lettre écrite par Champollion à son frère ne fut pas publiée. Elle vient de l’être. Quelques voix se sont élevées pour soutenir que les cartouches en question étaient revêtus d’un enduit noir déposé par le temps, et sous lequel se trouverait peut-être l’inscription qu’on disait ajoutée par les dessinateurs. J’étais curieux de savoir ce qu’il en était. M. Durand et moi nous avons examiné les cartouches avec une grande attention, et nous pouvons affirmer qu’ils ne contiennent et n’ont jamais contenu aucuns caractères. La nouveauté du temple de Denderah est assez établie par les noms mille fois répétés de Tibère et de Néron, pour qu’on puisse se passer de cette preuve de plus.

Maintenant d’ailleurs que M. Letronne a établi l’origine grecque du zodiaque, il ne peut plus être question de l’antiquité démesurément reculée des zodiaques de Denderah ; toutefois la discussion n’est pas moins vive pour s’être transportée sur un autre terrain. Il s’agit aujourd’hui, entre M. Biot et M. Letronne, de savoir si, comme le pense le premier, un état réel du ciel, à une époque déterminée, a été tracé au moyen d’une projection sur le planisphère de Denderah, ou bien si les figures et les groupes d’étoiles qui le remplissent n’ont aucune valeur