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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/382

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dant, la dette flottante aurait pu s’accroître assez pour suffire aux dépenses. Cette dette sera de 700 millions à la fin de 1847. Il suffisait, pour subvenir à tout, qu’elle s’accrût d’environ 100 millions par an jusqu’en 1853, époque où elle eût été de 1,200 millions. Les réserves de l’amortissement seraient venues ensuite, de 1853 à 1857, combler le déficit, et nous nous sciions retrouvés en 1857 avec notre dette flottante actuelle et 1 milliard de travaux publics exécutés de plus. Cependant le ministre des finances a pensé qu’il serait plus simple, pour moins charger l’avenir et pour moins exiger de la dette flottante, de contracter un emprunt. Cet emprunt n’était pas absolument nécessaire, nous venons de le montrer ; mais il sera utile, il fera cesser le désordre plus apparent que réel de nos finances, il rétablira l’équilibre entre les dépenses et les recettes. La quotité de cet emprunt a été fixée à 350 millions ; c’est plutôt trop que pas assez. Quant à l’époque où il devra être contracté, c’est à la sagesse du gouvernement de la déterminer ; rien ne presse, ainsi que l’ont fait remarquer dans les bureaux plusieurs orateurs de toutes les nuances.

Quelques personnes paraissent s’étonner et s’affliger que la France en soit réduite à emprunter en pleine paix pour subvenir à ses dépenses. Il ne faut pas oublier que les dépenses dont il s’agit n’ont rien d’obligatoire, et que le pays ne se les impose que pour augmenter sa richesse. Ce n’est point, à vrai dire, la somme totale de la dépense que le pays ajoute à ses charges ; c’est l’intérêt de cette somme. Quand il dépenserait 200 millions par an en travaux publics en sus de ses recettes, le pays se grèverait purement et simplement de 8 à 10 millions d’intérêts à payer. Or, qu’est-ce que 8 à 10 millions de dépenses de plus en présence de l’accroissement prodigieux que ces travaux donnent au commerce, à l’industrie, à l’agriculture, et qui se traduit par une augmentation de recette considérable ? Jusqu’ici ces augmentations de recette ont été de 25 à 30 millions par an, et une progression nouvelle dans les travaux publics déterminerait sang nul doute une progression plus rapide encore.

Augmenter ses charges annuelles de 8 à 10 millions pour augmenter ses recettes d’une somme quatre fois plus forte, n’est-ce pas faire une excellente affaire ? On a souvent dit qu’un particulier qui mènerait ses affaires comme la France mène les siennes se ruinerait infailliblement. C’est une erreur ; pour que la comparaison soit juste, il faut supposer un particulier qui emprunterait, comme les états, sans obligation de rembourser le capital et à la seule condition de servir les intérêts. Ceci posé, le propriétaire qui emprunterait tous les ans 200,000 francs à 4 et même à 5 pour 100, et qui, avec cette somme, ferait sur son bien des améliorations qui augmenteraient son revenu annuel de 30 ou 40,000 francs, serait-il donc si imprudent et si malhabile ? Emprunter à 4 ou même à 5 pour placer à 18 ou 20 pour 100, est-ce donc un si mauvais calcul ? Les adversaires du système financier suivi en France depuis quelques années affectent toujours de faire abstraction de cette augmentation progressive dans les recettes, ou, s’ils en parlent, c’est pour l’attribuer au hasard, à une sorte de bonheur particulier et inexplicable qui s’attache au gouvernement de juillet. Il n’y a pas de hasard et de bonheur qui se reproduise si invariablement ; la progression constante des recettes publiques, sans qu’il y ait eu aucune augmentation d’impôt et après même que des réductions ont été opérées et des impôts totalement supprimés, ne peut s’expliquer que par une augmentation constante de