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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/405

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qui le faisait compter parmi les plus brillans officiers du Mexique ; mais il était trop tard, et l’attaque, mal combinée, fut mal soutenue par des soldats découragés. Les Américains, jugeant inutile de prolonger le combat, se replièrent lentement sur leur enceinte de chariots, derrière lesquels ils dirigèrent quelques décharges qui terminèrent l’action. On sait avec quelle rapidité la nuit tombe sous les tropiques. L’obscurité était devenue complète, et les soldats mexicains, ralliés à la faveur des ténèbres, campèrent cette nuit même sur le champ de bataille qui leur avait été si fatal. Renfermé dans sa tente, Arista, au lieu de prendre les mesures nécessaires pour réparer cet échec, se répandit en invectives contre ses troupes, il alla même jusqu’à provoquer ses officiers ; mais, à travers les explosions de cette colère sans dignité, on pouvait deviner que le général était mécontent de lui-même plus encore que de ceux qui l’entouraient.

Bien que l’armée mexicaine eût beaucoup souffert, cependant rien n’était désespéré ; mais le malheur voulut que le découragement pénétrât dans ses rangs. Les soldats se plaignaient hautement d’avoir été sacrifiés et vendus, la défiance se joignit au découragement, et ce fut avec la certitude d’être de nouveau battus qu’ils engagèrent l’action le lendemain. A dire vrai, cette nouvelle bataille ne fut guère qu’une longue retraite. Les désordres et les fautes de la veille se reproduisirent, et l’armée mexicaine, contrainte de repasser le Rio-Bravo, vint se jeter en désordre dans Matamoros, laissant le drapeau américain, objet naguère de tant de haines, de tant de menaces, flotter librement sur la rive gauche du fleuve.

Jusqu’à ces deux combats, une certaine logique avait encore présidé aux mouvemens des troupes mexicaines ; il y avait eu de grandes fautes commises, mais on pouvait les attribuer au trouble apporté dans l’esprit des chefs par le sentiment d’une grave responsabilité. On devait croire qu’avertis par ces échecs, les généraux retrouveraient, en présence d’un péril croissant, la vigueur, la fermeté, qui avaient manqué à leurs premiers efforts. Tout au contraire, au lieu de chercher, en combinant mieux leurs opérations, à relever la fortune du pays, ils parurent frappés dès ce moment d’un esprit de démence. Ce n’est plus une guerre sérieuse que nous allons avoir à raconter.

Le 10 mai, la place de Matamoros avait encore 4,000 hommes de garnison (sans compter les blessés, qui, au nombre de plus de 500, encombraient les hôpitaux) ; la cavalerie, aux ordres du général Canales, qui, par suite des dispositions d’Arista, n’avait pris part à aucune des deux actions précédentes, présentait encore un effectif de 1,000 hommes. Au lieu de profiter de ces élémens de force qu’avaient épargnés les derniers désastres, un conseil de guerre, réuni en apparence pour en régler l’emploi, fit savoir à la division de Matamoros qu’il n’y avait que