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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/435

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du Texas n’a été que le prélude de cette gigantesque conquête, sur la portée de laquelle on s’est trop long-temps mépris. L’Angleterre seule lest alarmée sur l’avenir de son commerce d’exportation au Mexique, sur la destinée de soixante-cinq établissemens miniers dans lesquels elle a versé 10 millions de livres sterling, enfin sur la dette mexicaine, dont le capital dépasse ce dernier chiffre. La France est restée spectatrice presque indifférente de cette grande entreprise. En présence de la nouvelle situation qui va se produire, en présence du Mexique démembré, de l’Union américaine démesurément agrandie, il serait oiseux d’insister sur ce qu’on n’a pas fait ; mais ne reste-t-il rien à faire ?

Si le Mexique, dépouillé de ses plus riches provinces, devait renoncer à tout espoir de régénération sociale, assurément tout serait dit, et l’asservissement vaudrait encore mieux pour lui que l’anarchie ; mais la question ne se pose pas en des termes aussi simples. Au milieu de la désorganisation croissante de la société mexicaine, tous les symptômes de vitalité n’ont pas encore disparu. L’existence d’un parti qui appelle de tous ses vœux l’affermissement du pouvoir, dût-il l’acheter par un changement complet de régime, est un symptôme dont il faut tenir compte. Après la mort d’Iturbide, le parti monarchique avait dû dissimuler ses tendances ; il s’était rallié aux centralistes, mais sans perdre l’espoir d’en venir un jour à ses fins. Les épreuves qu’a traversées la république depuis trois ans ont amené ce parti à formuler plus clairement ses espérances. Le temps n’est plus où il suffisait du mot de royauté pour exciter les murmures du peuple et l’indignation du sénat, où une profession de foi monarchique entraînait l’exil pour les meilleurs et les plus dignes citoyens[1]. Déjà, en 1844, le pronunciamiento de Paredes, qui amena la chute et l’exil de Santa-Anna, donna une attitude plus ferme et ouvrit une voie nouvelle au parti monarchique. Environ un an après, sous la présidence du général Herrera, qui avait succédé au dictateur, ce parti crut le moment arrivé d’agir plus ouvertement Paredes lui prêta de nouveau son appui et prit la place d’Herrera. Dans le manifeste publié lors de son avénement, le nouveau président exposa ses opinions avec une courageuse franchise : « Nous ne sommes pas venu, disait-il, faire une révolution de personnes ; nous aspirons à un résultat plus noble et plus fécond : il ne s’agit pas d’usurper une présidence, de former de nouvelles chambres, il faut que la nation, sans crainte d’une minorité turbulente, se constitue suivant sa volonté, et oppose une barrière à la dissolution sociale qui la menace de tous côtés. La nation, fatiguée d’éternelles dissensions, a un besoin impérieux de garanties d’ordre

  1. Un ancien ministre des affaires étrangères du Mexique, un des hommes les plus distingués de ce pays, M. Gutierres Estrada, ayant exposé les idées du parti monarchique dans un écrit remarquable, fut puni d’un bannissement qui dure encore.