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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/502

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forte, sérieuse et restée, même pendant sa phase la plus exaltée, fidèle aux règles du bon sens et de la sagesse, il faut, chose assurément assez peu prévue, s’adresser à la patrie de Michel Cervantes et de don Quichotte.


I.

Les deux monumens où se reflète avec le plus d’éclat et de vérité l’image de la chevalerie espagnole, sont, sans contredit, le Poème du Cid et le Romancero general. Ces deux ouvrages sont les archives les plus complètes de l’histoire et de la poésie du moyen-âge espagnol, et ils méritent, à ce double titre, d’être étudiés soigneusement et pour eux-mêmes.

Le Poème du Cid (comme on le nomme fort improprement) ouvre la collection des poésies castillanes antérieures au XVe siècle, publiée en 1779 par don Thomas Antonio Sanchez[1]. C’est un récit acéphale de 3,744 vers, composé de deux et peut-être même de trois parties. La première raconte la disgrace et l’exil du vieux Cid, ses victoires sur les Mores et sur un prince chrétien, Raymond, comte de Barcelone. La seconde, qui semble annoncée par ce vers,

Aquis’ conpieza la fiesta de mio Cid et de Bibar,
Ici commence la geste de mon Cid, Ruy de Bivar,
(V. 1093.)


chante la glorieuse conquête de Valence et le mariage des deux filles du Cid avec les comtes de Carrion. Elle finit ainsi :

Las coplas deste cantar aquis’ van acabando.
El Criador vos valla con todos los sos Sanctos.

Ici se terminent les couplets de cette chanson.
Que le Créateur vous soit en aide avec tous ses saints !
(V. 2286 et 2287.)


Dans la dernière partie se déroulent, avec un intérêt presque tragique, le procès du Cid contre ses gendres et les secondes noces de ses filles avec les infans de Navarre et d’Aragon, suivies de la mort du héros. Le dernier vers nous apprend que le manuscrit, malheureusement unique, qui nous a conservé ces précieuses reliques, a été copié l’an 1335 de l’ère espagnole, c’est-à-dire l’an 1307 de l’ère vulgaire[2] ;

  1. Coleccion de poesias Castellanas anteriores al siglo XT, ilustrada con notas. Madrid, 1779. 4 vol. in-8o.
  2. On lit dans le manuscrit : En era de mill e CC…XLV, mais tout indique que la lettre effacée devait être un C. Le fac-simile du manuscrit publié par MM. Cortina et Hugalde, dans leur traduction espagnole de l’ouvrage de Boutterwek, est loin d’indiquer, comme ils le pensent, une écriture du XIIe siècle.